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Critique de motspourmots


Eleanor Catton a écrit l'un des romans les plus époustouflants lus à ce jour, Les luminaires. C'était il y a près de dix ans et ma curiosité était grande de savoir ce que l'on peut bien livrer après ça. Quelque chose de très différent, un peu déstabilisant au début par son écriture qui épouse le contexte contemporain dans lequel se situe l'intrigue là où elle collait parfaitement à l'époque plus lointaine de son précédent roman. Points communs entre les deux romans : leur ancrage territorial marqué par une forte identité néo-zélandaise et une virtuosité narrative jubilatoire. Birnam Wood est d'une facture beaucoup plus classique que Les luminaires mais d'une efficacité tout aussi redoutable dans la mise en scène et en musique d'un crescendo implacable.

On se doute que ranger cette histoire sous l'égide du Macbeth de Shakespeare est synonyme de pas mal de dégâts. Pourtant, tout ceci commence tranquillement avec des protagonistes plutôt pacifiques, animés d'une envie de changer le monde par l'annexion de terrains en friche et leur transformation en zones nourricières. Birnam Wood est le nom de l'association créée et animée par Mira Bunting et réunissant de gentils activistes de tous bords qui débattent fermement mais calmement des actions à mener, prônent une forme de décroissance et vivent de ce qu'ils récoltent ou vendent. Justement, Mira lorgne sur un terrain soudain déserté après un éboulement qui a obligé ses propriétaires à abandonner leur projet de lotissement le temps que la route soit remise en état. Mira y voit l'occasion de développer les surfaces cultivées par le collectif, de façon totalement illégale comme souvent. Au sein de ce parc naturel ils ne devraient pas être dérangés. C'est cependant ignorer que d'autres intérêts sont en jeu autour de ces parcelles appartenant à un entrepreneur récemment fait Chevalier du Mérite. Un jour elle se trouve nez à nez avec Robert Lemoine, un milliardaire américain acquéreur encore tenu secret du terrain pour y construire et enfouir - comme tout milliardaire qui se respecte - un abri anti-atomique et, à la grande surprise de Mira prêt à l'aider et à financer son organisation. Trop beau pour être vrai ? Et surtout quel est le degré de compatibilité entre ces deux milieux, d'acceptabilité pour les membres du collectif ?

Ceci n'est que le début d'une mécanique parfaitement huilée qui entraine chacun des protagonistes bien plus loin que tout ce qu'il a pu imaginer. Peu à peu apparaissent à la surface des non-dits et des frictions chez les militants, des dissimulations et des mensonges chez à peu près tous. Ce bout de parc naturel devient la représentation à l'échelle miniature des enjeux qui agitent nos sociétés et où se côtoient les ambitions démesurées des hyper-riches (l'or a changé de nature depuis Les luminaires mais la rapacité est toujours là), les grands rêves des militants minés par les querelles intestines et freinés par une certaine naïveté ou encore l'impuissance des lanceurs d'alertes. Toutes ces questions sont habilement glissées dans la trame narrative pour venir animer les débats et stimuler les cogitations sans jamais court-circuiter le cheminement du lecteur, tous sens en alerte face aux menaces qu'il sent se resserrer autour des protagonistes. L'autrice sait parfaitement utiliser toute la gamme des moyens de dissimulation sublimés par l'apport de la technologie (assez flippant d'ailleurs) et englober les aspects politiques autant que psychologiques, universels autant que personnels.

Résultat : un roman aux multiples dimensions, à la fois très divertissant grâce à une intrigue palpitante, et questionnant par les thèmes qu'il explore et les figures auxquelles il renvoie. D'une formidable et féroce habileté.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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