Le jardin ambulant
Je commence par remercier très chaleureusement NetGalley et les éditions
Buchet Chastel pour leur confiance en m'ayant adressé ce livre paru tout début janvier.
Ne connaissant pas l'auteure et le 4ème de couverture étant particulièrement bref, je ne savais pas trop à quoi m'attendre. Et c'est une excellente surprise, ce roman est très riche, foisonnant même.
L'intrigue se déroule en Nouvelle Zélande, sur l'île du Sud, réputée pour ses paysages magnifiques et encore préservés.
A Christchurch, Mira
Bunting a créé une association appelée “
Birnam Wood” visant à cultiver des terres en friches, y faire pousser des plantes et des légumes qui sont, une fois récoltés, vendus à bas prix ou distribués à ceux qui n'ont pas les moyens d'en acheter.
Birnam Wood est un collectif clairement de gauche, dont tous les membres sont placés sur un pied d'égalité… ou presque. Car c'est bien Mira qui dirige
Birnam Wood, et pour tout dire, elle ne se contente pas de planter sur des talus, ou des terrains à l'abandon : elle n'hésite pas à s'approprier des terres privées, ce que tous les membres de
Birnam Wood ne savent pas. Après tout, la fin justifie les moyens non ? Et justement, elle a repéré un endroit qui serait parfait pour y mener un projet de grande envergure : à environ cinq heures de route de Christchurch, à Thorndike, à proximité immédiate du parc national de Korowai, qui vient précisément d'être touché par un tremblement de terre. La route est coupée, la terre convoitée se trouve précisément sur un domaine vacant. Mira décide de se rendre sur place pour se rendre compte de la faisabilité, ou pas, du projet. Et alors qu'elle explore les lieux, elle tombe nez à nez avec un homme qui semble tout savoir d'elle. Robert
Lemoine est un milliardaire américain dont la société Autonomo fabrique et commercialise des drones ultra sophistiqués et bourrés de technologie dernier cri, aux multiples applications : cartographie des terrains, exploration des sols, et… surveillance.
Lemoine convoite lui aussi le domaine, il est sur le point d'en finaliser l'achat, le vendeur étant Sir Owen Darwich, un homme d'affaires très récemment anobli, que
Lemoine considère comme un peu frustre, et dont il entend bien se servir au mieux de ses intérêts. La rencontre entre Mira et
Lemoine ne se déroule pas comme prévu.
Lemoine se présente comme un survivaliste, expliquant qu'il veut construire un bunker de luxe dans la perspective du prochain effondrement de la société. Mira vante
Birnam Wood, et explique son projet. Contre toute attente,
Lemoine lui propose un arrangement :
Birnam Wood peut s'installer sur place, disons pour les 6 prochains mois. Il leur versera d'ailleurs une jolie somme pour démarrer et si le succès escompté est au rendez-vous, il investira davantage. Un accord gagnant-gagnant : Mira obtient des terres à cultiver à grande échelle ainsi qu'un financement, et
Lemoine un alibi écologique très bienvenu par les temps qui courent, d'autant qu'il aimerait bien obtenir la nationalité néo-zélandaise, pour ses affaires…
Comme vous l'imaginez sans peine, le pacte passé entre les « babas-cool gaucho » de
Birnam Wood et le milliardaire cynique aux objectifs opaques ne va pas se dérouler comme prévu. Mais la grande force du roman est précisément de ne pas s'arrêter à une allégorie du bien et du mal… Car dans cette histoire, personne n'est vraiment celui qu'il prétend être.
Articulé en trois grosses parties (pas de chapître mais, fort heureusement, quelques respirations dans ce livre très dense) l'intrigue prend son temps à se mettre en place. L'auteure présente assez longuement ses personnages, les installe tranquillement dans l'histoire et, d'un seul coup, presque sans crier gare, tout s'emballe.
Les personnages, comme dit précédemment, sont particulièrement fouillés. Mira bien sûr, mais aussi Shelley, l'autre figure de proue de
Birnam Wood. Au tout début du roman, Shelley a pris la décision de quitter le collectif. Elle étouffe un peu, Mira ne l'écoute pas vraiment, bref, elle en a assez. Mais au moment où elle va annoncer son départ, voici que Mira arrive avec l'accord miraculeux qu'elle vient de passer avec
Lemoine ! Après quelques instants de stupéfaction, Shelley accepte d'accompagner Mira et plusieurs membres de l'association à Thorndike. Autre personnage clé, Tony, qui faisait partie de
Birnam Wood à ses débuts, puis qui est parti explorer le monde, pendant quatre ans. Il revient précisément le jour où Mira expose à ses amis le projet « Thorndike ». Abasourdi, il s'y oppose violemment et se voit montrer la porte de
Birnam Wood. Qu'à cela ne tienne, il va mettre à profit ses talents journalistiques (talents très débutants, il tient une sorte de blog confidentiel) pour enquêter sur ce
Lemoine et démonter, si possible, le projet qu'il subodore pas aussi angélique que le présente Mira. Et évidemment, il y a Robert
Lemoine, qui ne déparerait pas dans la série « Billions »… Manipulateur à souhait le Robert. Les personnages secondaires ne sont pas en reste, le tout étant très bien écrit (et très bien traduit).
Jouant sur des thèmes très actuels (notamment l'éco anxiété qui nous est journellement servie, le pouvoir exhorbitant des ultra-riches qui s'approprient sans état d'âme des ressources essentielles contre les tentatives, parfois désespérées –et desespérantes- des militants ou des lanceurs d'alerte) baigné par l'ironie de l'auteure et par un certain humour noir, voici un très grand thriller psychologique et politique, engagé et implacable.
Très belle découverte que je vous conseille vivement
BirnamWood #NetGalleyFrance