« le poème qui dort dans mes veines
Immense
se dresse »
Née en Tunisie de parents Grecs,
Marianne Catzaras libère ses maux mêlés à ceux de l'humanité, qu'elle a fait siens, qui sont les nôtres aussi, ou qui devraient ; elle les fait mots, elle essaye, malgré l'horreur qui les leste, menace de les engloutir, à tout jamais, en nous, pour oublier, en sécurité, mais l'est-on quelque part ?
« J'écris pour ces géographies
Qui souffrent dans la nuit
J'écris pour l'ignorance
Pour l'indifférence
Pour ces rameaux de dynamite
Dans la paume de tes mains
Pour ces bouquets de barbelés
J'écris »
Dans un poème comme en émaux, une mosaïque de vers sur l'exil, le sien qui en rappelle tant d'autres, ses patries, ses attaches et lieux de vie, elle dénonce, énonce, la violence et les fuites, nécessaires, la vie et les départs, la mort, des proches, enfants, parents, des inconnus, la nuit tombée sur les migrants, le feu des attentats, ces trous, de balles, ces hommes qui explosent, eux-mêmes, puis en mille morceaux, leurs textes fondateurs
« Il y a cet amour
En travers de la gorge
Qui n'arrête pas
De crier
Il y a ce chagrin
Déposé à la gare »
Sur les pages blanches, comme des bruits blancs, noircies de vers flashes, éclaboussées de bribes de faits divers, attentats de Tunis, naufrage des migrants de Lampedusa, musicalité des pensées, écrites avec le sang séché de ceux que le feu des balles et barbelés transpercent, des mots écrits à l'encre de sèche, les cris noyés, au loin les sirènes, mots diluées, maux effacés par tous ces yeux qui pleuvent, le ciel qui pleure. Lave. Soleils écrasés, par le couvre-feu, la peur qui couve
« C'est dans la peur
Que j'ai trouvé la paix »
Et même si je ne suis qu'une novice de plus en poésie à lire les poèmes de
Marianne Catzaras, une lectrice de romans qui préfère les phrases claires et précises aux vers dont le sens m'est parfois moins évident, j'ai ressenti la beauté et la détresse derrière la mélodie rythmée de ces vers, parsemés de photos de l'auteure, précisément floues, comme ses mots, les images qu'elle nous montre,
« J'écris pour le silence de mes photographies »
son monde à travers nos philtres, le monde à travers son philtre, d'amour, des photos qui ont leurs zones d'ombres, leurs silences elles aussi,
« Fermer les yeux et défaire les images
Une par une
Les images du silence »
et chaque poème est traversé de silences, entre les mots, entremêlés, comme ces pierres lourdes qui pèsent sur l'estomac, ces cailloux de petit Pousset dans la gorge, l'indicible révélé par les non-dits, les retours à la ligne, les nouveaux départs, nouvelles idées, qui s'enchaînent, comme les destinations pour lesquelles il faut
« fermer mes maisons
Une à une ce matin
Et je pars
Mes maisons celles d'hier
Et celles d'aujourd'hui »
Des volets clos comme des paupières closes, des lèvres closes, fermées, sur tous ces maux, ces mots, retenus, crachés, vomis,
« Et moi je vomis mon exil
Sur le trottoir d'en face ».