— Vous étiez unique, grand-mère, lança-t-elle à voix basse en regardant par-dessus son épaule. Et votre souvenir demeurera tant qu’il y aura des hommes.
Dernier tome de la série consacrée à Alienor d'Aquitaine, cette biographie superbement documentée se lit comme un roman et non comme un ouvrage historique. Certains épisodes sont présentés par Elizabeth Chadwick en prenant le contrepied de l'acception de certains historiens. Je me plaît à croire qu'elle a la bonne interprétation et qu'elle n'a pas pris comme point de départ des situations historiques existantes et qu'elle n'en a pas modifié l’issue pour mieux coller au romantisme du personnage. Ainsi, malgré tout, je reste avec mes interrogations sur l'infidélité supposée d'Alienor et ses relations avec son oncle Raymond, la bisexualité putative de Richard cœur de Lion, le rôle exact d'Alienor dans le complot fomenté par ses fils contre leur père Henri II.
Quoi qu'il en soit cette fresque historique vaut le détour !
À son réveil, Aliénor fut d’abord quelque peu désorientée et dut faire un effort pour se souvenir de l’endroit où elle se trouvait. Elle était percluse de courbatures et tout endolorie, et avait un goût de rance dans sa bouche sèche. Elle leva les yeux vers le ciel de lit. Il était constellé d’étoiles argentées.
Elles étaient nées pièces sur un échiquier. Selon leur habilité au jeu et leur intelligence face à l’adversaire, elles deviendraient pions ou reines. La maturité venant, Urraque pourrait effectivement mener la partie ; mais pour Blanca, la maturité n’avait pas attendu les années.
S'enfonçant un peu plus dans la tente, elle vit Richard étendu sur sa couche. Un drap remonté jusqu'à la taille laissait paraître le reste de son corps blême. Un serviteur rafraîchissait son torse et ses bras à l'aide d'un linge humide. Richard avait la figure écarlate ; ses cheveux collaient à son crâne par paquets filandreux. Ternie par la fièvre et aplatie par la sueur, sa magnifique chevelure rousse ressemblait à de la paille souillée. Sur le haut de l'épaule, une affreuse blessure suppurait en dégageant des relents nauséabonds. Les chairs avaient été incisées en forme de croix afin d'en extraire le carreau d'arbalète. Les lèvres de la plaie étaient noires et pourrissantes. Un médecin déposait des asticots à l'intérieur dans l'espoir que ces petites créatures dévoreraient les infâmes purulences de ces chairs infectées et déjà en putréfaction. Un long gémissement s'échappa de la gorge de Richard, bien qu'il eût déjà pratiquement perdu connaissance.
Le médecin souleva une des paupières du roi ; l'iris bleu se révulsa, opaque et aveugle.
- Sire, héla-t-il. Sire, madame votre mère est là, ainsi que vous le souhaitiez. Voyez, c'est elle ...
La plus importante leçon que la vie m'a enseignée est sans conteste qu'il faut saisir les petits bonheurs et en faire des souvenirs durables. (p. 373, 3e tome)