Nahri avait été sa lumière en des temps très sombres, et Ali n'avait pas réalisé avant de se tenir ici à quel point elle lui avait manqué.
Elle sentit le mal du pays monter en elle rapidement, avec force. « Ça me manque tellement, avoua-t-elle. Je n’arrête pas de penser que ça va me passer, que je me sens davantage ancrée ici… » Elle s’appuya contre le bureau. « Mais il y a des jours où je ferais presque n’importe quoi pour rentrer à la maison. Ne serait-ce que pour une après-midi seulement. Quelques heures à plaisanter avec des gens dans ma langue, assise au bord du Nil. Être anonyme dans les rues et négocier des oranges. Nos fruits sont les meilleurs, tu sais, ajouta-t-elle, la gorge serrée. Rien à Daevabad n’est aussi sucré. »
Subha se raidit. « Que vous ayez pensé une telle chose de moi en dit bien davantage de vous-même. »
Elle rencontra son regard. « Tes sentiments t’appartiennent, Afshin. » Ses yeux se durcirent légèrement. « Mais ne leur permets pas de devenir une faiblesse. De quelque manière que ce soit. »
Non, les choses n’allaient pas se terminer ainsi pour lui, à pleurer sur son propre sort et à maudire sa famille tandis qu’il dépérissait sur une étendue de sable inconnue. Il était un Geziri. Lorsque le moment viendrait, Ali mourrait les yeux secs, sa profession de foi sur ses lèvres et une lame à la main.
– Précisément. Les sentiments sont une faiblesse pour les personnes comme nous, une chose qui doit être dissimulée à ceux susceptibles de nous faire du mal. Menacer un être aimé est un moyen de contrôle plus efficace que des semaines de torture.
Je suppose que j’avais oublié qu’il y a des cas où la gentillesse est là plus puissante des armes.
Non, je n’avais pas peur. J’étais fatigué. » La voix d’Ali se brisa sur le mot. « Je suis fatigué que tout le monde dans cette ville soit guidé par la vengeance. Je suis fatigué d’apprendre à nos enfants à haïr et à craindre les autres enfants parce que leurs parents sont nos ennemis. Et je suis fatigué et malade d’agir comme si le seul moyen de sauver notre peuple était d’abattre tous ceux susceptibles de s’opposer à nous, comme si nos ennemis n’allaient pas nous rendre la pareille à la seconde où le pouvoir changerait de mains.
On ne renonce pas à mener une guerre simplement parce qu’on perd des batailles, Alizayd. On change de tactique.
Lubayd acquiesça, toute trace de son humour habituelle disparue. "Ne te noie pas."
Ali retira sa robe et traversa la cour en pataugeant. Il s'assura que Lubayd soit parti avant de s'immerger pour examiner la situation sous l'eau. Ce n'était pas le risque de se noyer qui l'inquiétait.
C'était le fait qu'il ne le puisse pas.