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Critique de jcjc352


"Bandit ! Voyou ! Voleur ! Chenapan !" Paroles du début du poème de Jacques Prévert «la chasse aux enfants»
Chalandon renoue avec le journalisme engagé et social. A l'image d' Albert Londres il va voir du coté non pas de Cayenne mais d'un bagne atlantique de la métropole, un bagne pour enfants plus exactement colonie (pas celle de P. Perret) pénitentiaire :Belle-Ile-en-Mer qui porte bien mal son nom. La comparaison n'est peut-être pas tout à fait appropriée car ce n'est pas un reportage mais une fiction basée sur des faits réels, romancée et pas qu'un peu et ça se sent.
Chalandon ne s'est toujours pas affranchi de son salaud de père il continue dans la même veine avec l'enfance déshéritée mais dans un contexte hautement plus nocif. «Enfant de salaud», il a avec eux quelques affinités «Je suis un enfant battu, me touchent ceux qui l'ont été » dit-il. Des affinités? Il y en a aussi entre le père Chalandon, mythomane brutal et psychologiquement très malade et les matons, «animateurs» de la colonie, pauvres types mais bel et bien psychopathes: l'époque était rugueuse mais bon l'enfance de Chalandon n'était pas exceptionnelle, en tous les cas, sans commune mesure avec celle de ces petits bagnards.
Dans cette narration le misérabilisme est prégnant et Chalandon n'hésite pas à rajouter du pathétique voire du sordide sur des faits suffisamment dramatiques en soi pour convaincre des lecteurs acquis par avance à sa narration et c'est dommage. Il voulait être Jules mais il n'aurait pas du car il a eu lui-même son lot de misère et, s' il s'entoure de données factuelles et de réalisme il force beaucoup trop le trait quitte à arriver à une caricature geignarde et mal ficelée.
On peut lui reprocher d'avoir fait de la colonie une arène dans laquelle il a plongé ses personnages, d'ailleurs il a voulu en «faire un théâtre», et les exposer aux lecteurs une sorte de voyeurisme au détriment de l'empathie véritable que l'on pourrait avoir avec un simple récit factuel. C'est de l'empathie littéraire qu'il diffuse et contrairement à lui, Sorj Chalandon, je ne suis pas sur que la Teigne aurait aimé cette condescendance à son égard.
le problème avec Chalandon c'est qu'il se sent porteur de la bonne parole en narrant des histoires vraies : la sienne, celles de ceux qui ont souffert et qu'il a côtoyés, celles de ceux qui ont eu un parcours similaire au sien: un défenseur des miséreux. La thérapie par l'écriture apparemment ne lui sert à rien il ne voit que la misère et s'y engonce avec volupté.
Une sorte de fiction autobiographie, un exutoire, par procuration et assimilation des misères de Jules, avec les siennes: Chalandon assimile Jules pour pleurer encore, est-on tenté de dire, sur lui-même. C'est terrible tout ça et triste surtout!
La partie action du récit, notamment l'évasion, est une fiction et donc on se demande quelle part de romantisme Chalandon y a introduit. Un peu moins larmoyante elle apporte du rythme encore que cela paraisse saccadé , succession de scènes plus ou moins prévisibles et sans haute valeur ajoutée, et ce assez peu vraisemblable.Un peu de Conte de Montecristo, un peu de «la grande évasion», un peu de Jean Valjean et ses chandeliers, un peu de «bande à Bonnot», un peu de « traître », un peu d'histoire et de communards, un peu de Prévert lui-même, des croix de feu un peu tout, enfin tout ce qui est de bon aloi pour faire pleurer.
Une narration un peu pesante, un peu une offense au bon goût alors qu'il nous a habitué à tellement mieux. J'en souffre et en ait un peu honte pour lui.
J'ai beaucoup de peine, donc, pour Chalandon d'en être arrivé là: Ses dernières parutions sont au niveau de ce livre et ce n'est pas bon. A-t-il encore une vocation d'écrivain, j'entends par là une noble vocation qui lui fasse retrouver la pertinence de ses écrits du début?
Note il est d'ailleurs curieux de constater que dans «La Chasse aux enfants» de Jean-Hugues Lime, ouvrage romancé de 2004 sur cette colonie pénitentiaire, un personnage s'appelle Sorg avec un «g» Hum! Hum! Alors peut-être bien que notre Sorj avec un «j» était-il prédestiné à s'identifier avec «Jules» et faire une nouvelle version de ce récit. Après tout pourquoi pas!
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