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4,27

sur 1709 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Ceux qui auront lu "Mon traitre" liront forcément "Retour à Killybegs", la lecture indispensable pour savoir et peut-être comprendre pourquoi Tyrone Meehan a trahi.
Dans le premier livre Antoine nous racontait son Irlande, dans celui-ci Tyrone va nous donner un autre éclairage, le sien, certaines scènes seront fascinantes car vécues par les deux hommes mais racontées cette fois par Tyrone, c'est terriblement efficace en terme d'émotions et de psychologie.
L'auteur nous offre ici un récit d'une force phénoménale en même temps qu'un cours d'histoire magistral, pour moi jusqu'à cette lecture, le conflit nord irlandais c'était l'IRA contre l'armée anglaise, les opprimés contre les oppresseurs, c'est en fait bien plus compliqué que cela.
Ce récit va décrypter le pourquoi d'une haine poussée à son paroxysme entre deux communautés, entre voisins de rue souvent, une haine tellement viscérale qu'il faut être irlandais pour la comprendre et ce quel que soit le drapeau que l'on vénère.
Ce qui fait la force de cette histoire est que tout ce qui est écrit est vrai bien que romancé, on comprend comment l'engagement commence dès l'enfance avec une rage et une haine chevillées au corps.
On comprend les règles impitoyables qui régissent les comportements et verrouillent les coeurs d'un peuple, pas seulement des combattants.
On sera stupéfait d'apprendre la "position" discutable des catholiques nord irlandais dans le conflit pendant la seconde guerre mondiale, compréhensible bien qu'indéfendable aujourd'hui.
Les descriptions des conditions inhumaines de détentions font froid dans le dos pour les gens que nous sommes aujourd'hui, même rétrospectivement, il s'agit d'une histoire vraie rappelons-le. Quand je pense que Tyrone fut libéré en janvier 1981 après 13 ans d'incarcération le jour même ou je fêtais mes 18 ans et ma majorité toute neuve à une heure d'avion de là...
Je ne vais rien dévoiler de plus, simplement dire que ce scénario n'a rien à envier aux plus brillants romans d'espionnage, que la perversité humaine n'a pas de limites, dire aussi que certaines destinées sont vraiment cruelles, quel roman, quelle histoire !
A la fin il sera compliqué d'avoir un jugement je crois, c'est un récit éprouvant psychologiquement, un récit hors norme et un livre unique.
J'avais pris une énorme claque avec "Mon traitre", j'en ai pris une autre avec "Retour à Killybegs" !
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Dans un conflit, il y a les gentils d'un côté, les méchants de l'autre : voilà ce que je pensais quand j'étais petite.
Adolescente, je ne comprenais pas comment Bobby Sands et les neufs autres avaient pu se laisser mourir de faim. Cela m'était inconcevable.
Et puis... j'ai grandi.
Le monde m'est apparu tel qu'il est : ni noir, ni blanc, mais gris. Et bien évidemment, les hommes qui le composent aussi.
Sorj Chalandon l'a très bien compris, et le fait magistralement comprendre au lecteur à travers son portrait tout en nuance de Tyrone Meehan.
On peut être un traître et n'être ni bon ni méchant. Être humain, tout simplement.
Tyrone Meehan, le traître de Mon traître, est le narrateur de ce livre. Il nous dit : "Je veux écrire. Pas avouer, encore moins expliquer mais raconter, laisser une trace."
Tyrone raconte, mais pas de façon directe. Il raconte son enfance, il raconte sa vie, il raconte l'Irlande, il raconte son engagement. Sa trahison, il ne la raconte pas frontalement : c'est au lecteur de comprendre entre les lignes, de reconstituer le puzzle. De comprendre pourquoi.
Par petites touches, Sorj Chalandon nous révèle qui est Tyrone Meehan. Il nous en dresse un portrait subtil, un beau portrait d'homme.
J'avais adoré la lecture de Mon traître, et j'ai retrouvé dans ce Retour à Killybegs nombre d'ingrédients qui m'avaient tant plu : l'Irlande et ses hommes rudes et fiers, les amitiés viriles, les engagements des uns et des autres.
J'ai aimé retrouver l'écriture de Sorj Chalandon. Une écriture qui sait être en même temps tendre et violente, toujours aussi poétique et qui vous touche au coeur.
Je prête peut-être à l'auteur des intentions qu'il n'a pas eues, mais ce Retour à Killybegs m'a semblé venir d'un besoin profond de ne pas se contenter du premier roman, pour donner au lecteur une vision plus juste de Tyrone Meehan, pour donner au traître une occasion de s'expliquer. Comme si Sorj Chalandon ne voulait pas que le lecteur reste sur une mauvaise impression. Comme s'il voulait que le lecteur comprenne le traître dont il se fait presque l'avocat.
Dans ce roman, Tyrone Meehan apparaît encore plus humain. Il ne demande pas d'indulgence mais ne veut pas non plus d'acharnement. Son histoire m'a touchée : monsieur Chalandon, vous avez gagné !
Un roman magnifique, un portrait bouleversant.
Je vais m'empresser de lire d'autres titres de cet auteur.
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Comme chantait U2 (dont je ne suis pas fan, que les choses soient claires) : "I can't live with or without you", et voilà qui sied bien à Sorj Chalandon, qui s'exorcise ici de Denis Donaldson, son ami nord-irlandais, son traître.

Après "Mon traître", justement, où il romançait cette histoire d'amitié et de trahison entre un jeune Français naïf et romantique (Antoine), et une figure historique et respectée de l'IRA (Meehan, inspiré de Donaldson), Chalandon reprend son récit depuis le tout début, comme pour essayer de comprendre, d'expliquer -et de faire la paix avec lui-même ?
Retour à Killybegs, donc, où Tyrone Meehan voit le jour en 1925, au sein d'une famille nombreuse mais pas heureuse, la faute à la misère et à un père héroïque, alcoolique et violent. Enfui à Belfast à 15 ans, il s'acoquine rapidement avec l'IRA, est de tous les combats contre les Britanniques et les loyalistes, et devient, au fil des années, une gloire du nationalisme irlandais. Qu'il finit par trahir. Pourquoi ? Comment ?

Roman douloureux, dans lequel Sorj Chalandon se met dans la tête de Tyrone Meehan et déroule 80 ans d'histoire nord-irlandaise. On y croise des personnages réels (Tom Williams, pendu à 19 ans ; Bobby Sands, mort de faim à 27 ans), on découvre l'ignominie absolue des autorités britanniques en Ulster, et on mesure la détermination hallucinante des nationalistes. Tout ce livre est aussi une réflexion sur l'engagement.
Tyrone Meehan ne cherche pas à s'excuser, mais il nous fait part de ses certitudes et de ses regrets. Des rêves qui le portaient et de la haine qui l'animait, des coups donnés et des coups reçus, de la guerre, de la prison, de la pauvreté, de la dignité. Il n'y a pas de héros ni de zéro, il n'y a qu'un homme. Forcément, le roman prend aux tripes.
Je l'ai dévoré avec bonheur et affliction. Bonheur, parce qu'en tant que fan de Chalandon, de son écriture, de sa générosité, de la justesse des causes qu'il défend, j'ai été pleinement comblée. Affliction, parce que l'histoire est celle des vaincus, remplie de solitude, de violence, de désillusion. Toutefois, ce roman vibre aussi d'une intensité fiévreuse et rageuse, et c'est pourquoi sa lecture me semble incontournable : c'est l'hommage magnifique d'un romancier à un combattant qui incarnait l'idéalisme républicain, et qu'il considérait comme un ami.

Alors, lisez-le. Et vous ne pourrez plus vivre sans le souvenir de Tyrone Meehan.
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Après 'Mon traître', Sorj Chalandon éprouve le besoin de revenir sur cette blessure encore à vif, cette histoire de trahison, en changeant cette fois d'angle, adoptant la position de Tyrone, "son traître". Si l'on a lu le premier ouvrage, qui pose de nombreuses questions, on est forcément curieux de savoir dans quelles conditions Tyrone Meehan s'est retrouvé 'agent double'.

Un livre FORMIDABLE... mais une lecture pas facile. J'ai éprouvé tour à tour :

- agacement, ennui : politique, religion, combat, confusion (pour moi) entre les "camps" des uns et des autres.

- admiration et indignation mêlées : conditions de détention, grève de l'hygiène des prisonniers irlandais... force des épouses, des mères, dans le combat... personnages dignes et somptueux : Sheila, Popeye, mais aussi Tyrone, oui.

Et j'ai surtout "vécu" à travers ces pages des moments intenses, bouleversants : les dernières visites (fils, épouse, 'petit Français'), la souffrance d'un Tyrone coupable/coupé en deux pendant plus de vingt ans. Et le summum de l'émotion : le premier voyage à Paris, le verre d'eau donné par Sheila en signe d'amour...

Et des phrases fortes, superbes, si sages...

J'ai entendu plusieurs fois l'auteur présenter ce livre, et préciser qu'il était fier qu'à sa question 'Et vous, qu'auriez vous fait ?' beaucoup de lecteurs avouent : 'Eh bien je ne sais pas'. Aveu d'humilité, d'humanité. C'est un des messages que veut faire passer Sorj Chalandon à travers son oeuvre, et c'est parfaitement réussi ici.
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J'ai préféré Retour à Killybegs de Sorj Chalandon à Mon traître, mais je ne l'aurais sans doute pas tant aimé si je n'avais pas lu ce dernier.

Tyrone Meehan naît le 8 mars 1925 dans un foyer irlandais, républicain et pauvre. Son père, ancien de l'IRA, boit et bat ses enfants. Après sa mort, la famille de Tyrone se réfugie chez son oncle maternel à Belfast. Tyrone rencontre une autre forme de violence, celle de la guerre. Je ne dévoile rien en disant que Tyrone a trahi sa cause. La dédicace du livre est claire :
« À ceux qui ont aimé un traître ».
Retour à Killybegs, qui est plus puissant que Mon traître, raconte l'histoire du point de vue de Tyrone. Mais il vaut mieux la lire après pour l'apprécier pleinement. J'ai aimé la description de cette guerre et de ses horreurs vues de l'intérieur. Et des problèmes moraux que la guerre pose.

En revanche, je n'ai pas été convaincue par les motifs de la trahison, même si la mise en place est surprenante avec presque un air bon enfant. Tout est dans le presque.

Lien : https://dequoilire.com/retou..
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J'ai longtemps hésité avant de faire cette critique puisque ce livre n'en manque pas mais je me lance juste pour ceux qui hésiteraient à le lire.
D'abord il n'est pas nécessaire d'avoir lu "Mon Traître" qui le précède et relate le point de vue d'Antoine (le trahi). Celui de Tyrone Meehan (le traître) est lui aussi intéressant de façon indépendante, et même plus si j'en juge par toutes les critiques que j'ai lues sur Babelio.
Il n'est pas non plus nécessaire d'être un expert de l'Histoire Irlandaise, ni de l'IRA pour comprendre le thème de ce roman. J'ajoute qu'au contraire, il permet de découvrir de nombreuses choses sur ce pays et sur ce conflit interne que personnellement je ne connaissais qu'à travers les journaux télévisés de ma jeunesse et la chanson "Sunday Bloody Sunday" de U2.
Il vaut également le détour rien que pour l'écriture de Sorj Chalandon qui est très particulière, très poétique et très percutante, elle ne laisse pas indifférent.
Enfin, le questionnement moral qu'il soulève se pose à chacun de nous : si les événements nous conduisait à commettre une erreur irréversible, serions-nous tous capables de révéler cette faute ou serions-nous prêts à tous les compromis, y compris la trahison, pourvu que nous n'ayons pas à en affronter les conséquences ?
Voilà, j'espère avoir convaincu quelques personnes au moins car c'est vraiment un magnifique roman, instructif, fort en émotions et superbement écrit.
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Irlande du Nord, retour sur la vie de Tyrone Meehan qu'on a connu dans « Mon traître ». (Il vaut mieux en effet avoir lu le précédent qui situe les personnages, surtout celui qu'on appelle le petit Français et que Meehan appelle « fils ».)

On remonte à l'enfance de Tyrone, avec son père violent puis suicidaire, la pauvreté, les fuites devant les milices protestantes qui brûlent les maisons. Ensuite, comment l'adolescent devient « fianna », puis soldat de l'IRA. Les morts des amis, l'horreur merdique des incarcérations, le sacrifice des grèves de la faim. Et puis, bien sûr, le secret de Tyrone Meehan, comment et pourquoi il en est arrivé à travailler pour les Brits.

On retourne sur les pas de Tyrone, mais on rencontre aussi la complexité de l'Irlande, la misère et les inégalités sociales, un conflit transmis de génération en génération, on n'oublie pas 1916, on se rappelle, même « Guillaume d'Orange, vainqueur des armées catholiques en 1690 ».

Un excellent roman, mais pas facile à digérer, un roman qui raconte comment on apprend à mourir pour la cause, mais aussi comment les grands idéaux peuvent effriter…

Je m'étais préparé à mourir, mais pas à tuer. J'espérais ne jamais affronter le regard d'un mort. J'étais en sursis. Victime en sursis, assassin en sursis. Nous l'étions tellement, tous. ( p.116)
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I R A

Quand j'étais jeune, je ne connaissais pas vraiment l'histoire de l'Irlande. Tout au plus, je savais qu'il y avait en Irlande du Nord une guerre civile ...

Je me souviens pourtant de ces trois lettres : IRA .
Ces trois lettres résonnaient en moi comme un cri de guerre, un souffle de rébellion, une revendication secrète mais justifiée.
Trois lettres qui semblaient animer dans le regard de certaines personnes une sorte de dégoût, voire de colère et chez d'autres au contraire, une étincelle de fierté, une lueur d'espoir, un sourire discret et complice.

J'ai retrouvé tout cela en lisant Retour à Killybegs.
Mon coeur a toujours balancé du côté des Irlandais et il ne peut pas en être autrement. Mais les Irlandais ne forment pas un bloc. Il y a ceux qui recherchent des compromis, ceux qui se battent coûte que coûte pour retrouver leur liberté, ceux qui défendent leur loyauté au royaume britannique et ceux qui subissent ...

Tyrone Meehan était l'un de ceux qui depuis tout jeune désirait combattre pour la République Irlandaise. Il était un rebelle, un insoumis, un soldat de l'IRA. C'est dans Mon traître que le lecteur apprend avec stupéfaction et incompréhension sa collaboration avec les Britanniques, sa trahison...
En lisant Retour à Killybegs, la clé de ce revirement incompréhensible nous est donné.
Tyrone Meehan se livre, nous livre son secret. Et cette histoire qu'il nous raconte est touchante et poignante.

Retour à Killybegs m'a encore bien plus remuée que Mon traître. Sorj Chalandon a écrit là un roman qui prend aux tripes , avec justesse et beaucoup de coeur.
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Il y a un moment pour chaque lecture. Il était venu, j'étais assez grande pour le commencer. Je l'ai pris avec respect, un peu de peur au ventre car j'avais lu la phrase reprise en début de livre "A ceux qui ont aimé un traitre" et ces mots avaient déjà enclenché tout un travail en moi, cette empathie qui me taraude et me rattrape toujours, mais qui me fait immanquablement devenir l'avocat du diable contre cette majorité qui m'effraie tellement, qui me fait dire le contraire de ce que je pense pour soutenir le minoritaire, qui me met à la place de l'autre, peut-être ne l'a-t-il pas demandé d'ailleurs… Aussi ce récit, d'une écriture fluide et percutante, a-t-il été terrible. "J'ai eu peur de l'autre en moi." Personne n'est à l'abri.
Je ne pouvais que suivre cet enfant devenu homme dans la maturité pour finir usé, âgé, fini. Fini, oui. Il l'était. Tout comme ses rêves, ses amours, sa vie, sa lutte. Tout ça : la prison, la merde sur les murs, les manipulations, les grèves de la faim, les bombes, les tortures, les meurtres, les défilés et les enfances perdues… Il ne lui restait que ce sliotar au fond de sa poche, noirci par le temps et les épreuves. Noircie comme son âme, damnée dans un conflit qui dépassait le petit homme. Qui dépassait l'entendement, qu'entendre avec ces bombes de toute manière ? Les armes ne peuvent pas secourir, elles tuent.
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Ce roman pose le problème de l'identité tout autant que celui de la trahison...
l'identité d'un ilien qui est fier de sa terre, de ses ascendants, de sa culture, de sa foi car en lui coule l'Irlande !
Il a trahi pour la sauver, se sauver lui même, pour la défendre des Brit's, des protestants au péril de ses camarades, de ses amis, de sa famille, de son peuple !
Il a tout supporté : les attentats, les bombes, les pièges, la prison, les humiliations, les tortures pour faire avancer la cause de l'IRA..et, c'est avec un style " percutant", incisif et en même temps émouvant que Sorj Chalandon nous fait vivre l'histoire de cette guerre civile, de ces militants, de ces soldats de l' "idéal " , il souffle le chaud et le froid, la violence, la terreur, l'incertitude mais la fureur de gagner, de sauver une patrie en danger de perdre ses valeurs ancestrales...la fraternité irlandaise, la solidarité qui les poussent au bout d'eux mêmes !
La trahison ronge Tyrone Meehan car il est "reconnu" comme un héros, mais il la traine avec lui, elle lui ronge le coeur mais il ne peut pas la révéler par manque de courage ou par peur de décevoir les siens ? une auto flagellation qui va le mener jusqu'à l'inévitable destruction...une dualité psychologique entre le " moi" et le " sur moi" ! un vrai héros de tragédie grecque !
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