Publié en cette rentrée littéraire 2018 aux éditions Les Escales, "
Les enfants de ma mère ", est le nouveau roman de
Jérôme Chantreau, un témoignage de l'ère mitterrandienne, dans une famille dont les idéaux et les certitudes vont volés en éclats !
p. 33 : " - Il est vingt heures.
François Mitterrand est élu président de la République. "
Françoise avait tout pour être heureuse : un mari qui gagne confortablement sa vie, deux beaux enfants - Nathalie et Laurent - et un bel appartement dans Paris. Elle s'est mariée très jeune, et a dû pour cela sacrifier ses études au profit du bien-être familial, comme il était souvent de rigueur à cette époque pour les femmes. Mais cette aisance financière et matérielle va s'envoler le jour où son mari l'invite au restaurant pour lui annoncer son intention de divorcer.
p. 59 : " Pendant l'année de son divorce, elle fuma beaucoup de Stuyvesant au menthol et réfléchit à son avenir."
Alors que sa fille Nathalie excelle dans sa scolarité, Laurent suscite bien plus de préoccupations chez Françoise. Plus timide et introverti, il passe le plus clair de son temps enfermé dans sa chambre. C'est finalement au collège qu'il va établir des liens avec d'autres garçons, abîmés par la vie.
D'une âme charitable, Françoise décide de prendre sous son aile une amie de Nathalie, en rupture familiale et scolaire, quelque peu marginalisée : Édurne. Mais toute sa bonne volonté ne pourra suffire à sauver cette adolescente, entraînant dans sa chute sa propre fille.
p. 131 : " Qu'est-ce qui lui avait pris de s'occuper du destin de cette fille ? Françoise se rappela les bouffées de satisfaction quand, les premiers jours, elle avait accueilli ce petit oiseau, quand elle avait senti qu'elle était en train de changer le destin de quelqu'un. "
Changer la vie, ce n'est semble-t-il pas une option accordée à tout un chacun...
p. 440 : " Elle avait cru, pendant dix ans, que changer la vie était possible. Elle s'apercevait que c'était la vie qui la changeait, la façonnait comme les falaises par l'érosion, et que les grandes illusions ne servent qu'à nourrir les grands regrets. "
Le zoom narratif se concentre au fil de la lecture sur le personnage de Laurent. A la fois attachant mais influençable, il a certainement hérité cette faiblesse de sa mère. Victor intègre la bande de copains. Empreint du désir de se mettre en danger, il va leur insuffler ce goût de plus en plus prononcé pour l'interdit.
p. 180 : " La compagnie de Victor donnait aux choses le goût métallique du danger [...] A partir de cet instant, chaque acte allait engendrer des conséquences, et aucune mère, aucun prof, aucun surveillant samouraï ne pourrait s'interposer entre eux et ce qu'ils allaient faire naître. "
Françoise ne peut concéder à voir la réalité, et malgré la mise en danger de son fils Laurent, continue d'ouvrir grandes les portes du 26 rue de Naples.
p. 151 : " L'envie était grande d'accueillir encore tous les gamins perdus. "
Très sensible et bien conscient de son entrée dans la vie d'adulte et de sa périlleuse descente aux enfers, Laurent se confie à Édurne, écorchée de la vie elle aussi.
p. 342 : " - J'ai peur de sauter du train. Ça accélère tous les jours. Je n'ai plus un instant de bonheur. Plus rien de fluide. Avant, je savais exactement ce que je voulais, ce que j'aimais. Aujourd'hui, j'en ai plus aucune idée. "
A travers ces protagonistes, c'est également le reflet d'une société en mal d'espoir et d'ambition, prise dans une série de mouvements de protestation.
p. 251 : " La vie laborieuse érodait les gens comme une rouille. Elle abaissait les têtes et les espérances. "
Plus Laurent s'enfonce dans la noirceur de sa vie, plus Françoise se déleste aveuglément de ses responsabilités, avide de liberté.
Dans un Paris amputé de toute prétention et sous haute tension, le lecteur est le témoin de cette période politique et sociale délicate, dans laquelle les personnages évoluent au gré des épreuves. L'écriture est à la fois tragique et poétique. L'auteur nous embarque sur plusieurs décennies, sans perdre en intensité.
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