Être dirigeant n'est pas seulement arriver le premier. C'est bien plus que toi.
Pour la première fois, je me rends compte qu'au contraire, plus je travaille plus j'ai de risques d'échouer. Que je devrais me contenter d'être moyenne pour me fondre dans la masse.
Tous les dirigeants sont, à un moment ou à un autre, confrontés à un drame.
Quand on s'adresse aux esprits les plus brillants, il faut s'attendre à ce que certaines interrogations soient soulevées.
Il est hors de question de laisser les erreurs de l'année dernière se reproduire. Nous pourrions avoir moins de chance la prochaine fois.
Je n'ai presque pas de temps pour me préparer. Pour décider à qui faire confiance. Et qui me fera confiance.
Techniquement, le diplôme qu'on m'a remis aux Cinq Lacs marquait mon entrée dans le monde adulte. Mais recroquevillée dans mon lit, les bras autour de mes genoux, je ne me suis jamais sentie aussi petite et inutile. Mon père me répétait que tout ce que je désirais était à ma portée. j'ai voulu le croire mais je sais aujourd'hui que ce n'est pas le cas. Je suis incapable de faire un choix qui pourrait déboucher sur ... la mort.
Je ne fais pas partie de l'élite. Je ne suis pas une dirigeante.
Je suis une lâche.
Le seul moyen de dissiper les ombres qui nous poursuivent est de les affronter ensemble.
La lueur pâle de la lune et le faisceau de sa lampe torche nous permettent de remonter l’allée. Je prends garde à bien lester au milieu du pont. Même s’il y a une rambarde de chaque côté, je ne veux pas risquer un faux pas.
Les aérojets ressemblent à celui que j’ai pris des Cinq Lacs à Tosu. Longs et fins, ils s’élèvent à cinq mètres au-dessus du sol et sont idéals pour se déplacer sur des terrains ravagés par les Sept Époques de la guerre.
La majorité des étudiants s’entasse dans le premier. Je choisis le deuxième. L’intérieur est éclairé d’une lumière douce. Le plafond est assez haut pour que je me tienne debout. Les coussins des sièges ont l’air confortable. À l’arrière se trouve une cabine. Lors de ma venue à Tosu, Tomas et moi y avions trouvé de quoi nous restaurer. La porte du fond mène aux toilettes. Les vitres sont couvertes d’un tissu opaque qui nous empêche de voir le paysage. Nous ne découvrirons pas notre destination avant d’être arrivés.
Tous se taisent et se tournent vers la porte dans l'attente du prochain arrivant.
Tous sauf Ian qui continue de me regarder. Il se penche vers moi et me souffle:
-Merci.
-De quoi ?
-J'avais parier avec Jenny que tu serais la première fille à sortir.
Il adresse un sourire victorieux à la fille à côté de moi.
-Maintenant,elle doit s'occuper de mon linge pendant deux semaines.
Jenny lève les yeux au ciel et me murmure:
-Il aura de la chance si ses caleçons lui reviennent en un seul morceau.