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Critique de Sando


Sando
18 février 2023
Au début du XXème siècle, les “picture bride” affluent au Canada. Ces japonaises qui ont quitté leur pays et traversé l'océan dans l'espoir d'une vie meilleure, ne connaissent de leur futur mari que la photo qu'on leur a montrée et la lettre qui l'accompagnait... Comme pour Aika, nombre de ces mariages arrangés commencent ainsi par une désillusion. Choc des cultures, déracinement, mari décevant, situation misérable, le rêve s'effondre très vite pour laisser place à une réalité toute autre, dans laquelle l'intégration est presque impossible tant le racisme est omniprésent. Mais le pire est sans doute pour la génération qui suit, à laquelle appartient Hannah, née au Canada mais qui ne parvient pas à s'intégrer et ne se reconnaît pas pour autant dans la culture japonaise… Alors, quand le Japon devient l'allié des allemands dans la guerre, la peur et la haine se libèrent et les immigrés deviennent des cibles toutes trouvées. Mais, quel est le lien entre Hannah et Jack, ce creekwalker taiseux, élevé au coeur de la nature par une belle-mère amérindienne et bercé par ses légendes et ses croyances?

Pour le découvrir, il vous faudra plonger dans ce fabuleux roman qui dresse avec justesse le portrait passionnant d'une époque et d'une communauté. le sujet m'a au début fait penser au magnifique roman de Julie OtsukaCertaines n'avaient jamais vu la mer” qui décrit, à travers de nombreuses voix de femmes, la traversée de ces japonaises vers les Etats-Unis, leurs rêves, leurs espoirs et la désillusion qui s'ensuit. Mais passée cette première partie sur l'immigration, on pénètre dans un roman tout autre, plus sauvage, plus troublant, plus proche d'un récit de Jack London ou de Laura Kasischke et dans lequel les sensations et l'osmose avec la nature et avec ce qui nous entoure prennent le pas sur les mots. le roman s'ancre alors au coeur de la forêt canadienne, dans des paysages recouverts de neige et bercés par le bruit des torrents et le souffle du vent dans la cime des arbres. Une nature sublime et dangereuse, qui cache en son sein des créatures redoutables, gouvernées par leurs instincts… Un monde à la vie rude, bien souvent solitaire, mais qui offre la grâce à qui sait la recevoir.

Le texte est prenant, parfaitement rythmé par les allers retours entre les époques. On oscille sur près de 50 ans, avide de découvrir les événements qui ont conduit nos personnages à cette rencontre improbable. Les liens se tissent, les protagonistes se révèlent à nous, mais surtout à eux-mêmes. La langue de Marie Charrel est de toute beauté, ses mots vibrent et résonnent à travers les légendes et les croyances qui nous sont contés. Impossible de ne pas succomber au charme de cette mythologie, à sa puissance évocatrice et à ce qu'elle dit de ce que nous sommes. C'est beau, c'est intense et c'est avec une pointe de regrets que l'on referme cette histoire… Une magnifique découverte!
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