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Critiques filtrées sur 2 étoiles  
La Brière est indiscutablement l'oeuvre littéraire d'un grand écrivain français quant au style, d'ailleurs - comme chacun sait - couronnée par le Grand prix du roman de l'Académie française du temps où ça signifiait encore quelque chose.

Mais Alphonse de Châteaubriant est un proto-nazi, un vrai, un pur et dur, nazi avant que ce mot n'existe, nazi déjà du temps de La Brière. 200% nazi. Et ceci infuse absolument toute son oeuvre dès l'entre-deux-guerres. Germaniste accompli, vétéran de 14-18 qui n'a pas supporté cette "guerre civile européenne", cette "boucherie fratricide" organisée par la "finance cosmopolite", il porte comme une culpabilité personnelle les conditions (inhumaines, c'est vrai) imposées à l'Allemagne par l'armistice de 1918.

Dès 1925, c'est à dire à peine deux ans après la parution de La Brière (Châteaubriant a 48 ans), il est déjà l'un des très rares lecteurs de Hitler dans le texte, et c'est une révélation. Le "Führer", ce nouveau roi Arthur, est devenu pour lui le foyer qui concentre tous les rayons de sa vie, l'accomplissement de toutes ses aspirations profondes depuis toujours. Châteaubriant se signalera rapidement comme le prototype du fanatique hitlérien. Seulement, il présente cette petite idiosyncrasie, cette coquetterie par rapport à ses collègues issus de la veine völkisch incarnée dans les SS allemands de Himmler: c'est un nazi catholique. Ce sera en effet l'"originalité" des nazis francophones, et notamment des SS belges (28e division, "Wallonie", dirigée par Degrelle, le "fils spirituel de Hitler") et français (22e division, "Charlemagne", dont l'aumônier combattant est Mgr Jean de Mayol de Lupé).

Pourquoi tout ceci est-il crucial? Mais parce que La Brière reflète effectivement la pensée proto-hitlérienne d'un écrivain qui sera l'un des plus engagés dans le national-socialisme militant, et qu'elle l'illustre à fond. Même si Châteaubriant attend la "lumière" de "Dieu" au terme de l'épopée hitlérienne du Graal, contrairement aux nationaux-socialistes ultrarhénans qui font dans le matérialisme historique et mettent au centre la technologie industrielle, militaire et biologique, c'est exactement la même vision de l'homme: l'homme est mauvais, il est intérieurement laid, tous ses mouvements naturels sont détestables.

La solution? Himmler répond: l'homme nouveau par la sélection raciale et la grande forge de l'héroïsme guerrier. Châteaubriant répond: la rédemption par "Dieu" au terme d'un parcours moral qui s'apparente à une quête du Graal, à une purification de l'âme par le fer, le feu et l'eau bénite. Mais la vision est la même: elle est d'un pessimisme et d'un cynisme noirs.

Dans La Brière, tout le monde est sale, lâche, sournois, retors, méchant et moche: les habitants de Fédrun, les habitants de Mayun, Aoustin, sa femme, sa fille, son gendre indésiré Jeanin, le syndic... Seuls un ou deux personnages caricaturaux évidemment censés illustrer l'idéologie de Châteaubriant échappent à cette règle générale: Julie, parangon de vertu chrétienne, et Ulric - un nom super-bretonnant et au-dessus de tout soupçon (Ulrich, ach! Mont a ra paotr?) - qui rachètent toute cette boue humaine.

Au-dessus de la Brière, comme une obligation de noblesse, plane le souvenir de la duchesse Anne de Bretagne incarnant la volonté triomphante, la pureté ("Plutôt la mort que la souillure"!), l'identité, l'honneur et la fidélité.

Non, vraiment. D'une part les ficelles sont trop grosses, d'autre part la noirceur forcée, la viscosité de cette histoire rendent la lecture trop pénible, et ce roman à thèse - car c'en est un - est vraiment lourd à digérer. Zola pouvait faire passer les Rougon-Macquart grâce au rythme formidable de sa grosse machine. Saint-Simon ou Daudet, bien qu'ils ne prennent jamais de loisir dans la vindication, arrivent à nous faire rire aux éclats des imperfections des autres (ou des nôtres) grâce à leur génie comique. Mais là, c'est de l'enlisement désespéré. Et un enlisement qui trop souvent sent l'artifice.
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