Le palais d'Orsay et ses décors par Chassériau? On l'a oublié. La manufacture des Gobelins avec sa collection de tapisseries dont certaines dataient du XVème siècle? Bah! les lissiers n'en ont pas moins poursuivi leur activité. L'Hôtel de Ville? On l'a rebâti; son pastiche a effacé dans les mémoires les fastes de l'original et les plafonds à jamais perdus d'Ingres et de Delacroix. Les Tuileries? Mais c'est un jardin! Ah? Il y avait un château, aussi? Oui, symbole de la monarchie...Oh bon! Mais le Louvre? Qui se rappelle l'incendie du Louvre. Peut-on imaginer un instant ses collections réduites en cendres? ses charpentes carbonisées? ses murs noircis? Le palais pourtant a perdu là ses avant-bras, pas encore dévolus au musée, fort heureusement . Il y a perdu également un pavillon et sa galerie, avec mille richesses, cette fois des trésors de bibliophilie... Il s'en est fallu d'un rien pour que la Grande Galerie de peinture ne flambe comme paille au milieu des combats.
Nous sommes pris entre deux bandes de fous, ceux qui siègent à Versailles et ceux qui sont à l'Hôtel de Ville!
Que faire en effet du palais des rois ? de "l'antre du césarisme" ?
La bienfaisance n'excluant pas non plus un zeste de pédagogie politique et sociale, le très altruiste docteur Rousselle avait fait placarder à toutes les portes du palais une affichette qui proclamait ceci :
"Peuple ! L'or qui ruisselle de ses murs, c'est ta sueur ! Assez longtemps tu as alimenté de ton travail, abreuvé de ton sang ce monstre insatiable : la monarchie ! Aujourd'hui que la révolution t'a fait libre, tu rentres en possession de ton bien ! Ici tu es chez toi ! Mais reste digne parce que tu es fort ! et fais bonne garde pour que les tyrans n'y rentrent jamais !"
L unanimisme parlementaire n'a jamais rien valu de bon à la France : C'est à la quasi- unanimité que les membres du corps législatif avait jeté un Empire au pied d'argile contre l'Allemagne unifiée ; à l'unanimité presque que,70 ans plus tard,
leurs successeurs délégueraient les pleins pouvoirs au maréchal Pétain.
Or, Sigoyer foula le monde tout d'un bloc. Sans haine, jamais. Avare de prêches, il ne se salit pas. Accomplissant le bien nécessaire, il ne luttait pas contre le mal absolu. Il eut encore cette prudente élégance de périr avant la curée à laquelle, n'ayant plus d'avant-postes à reconnaître mais, à la place, des planques à suspecter, ses chasseurs finirent par s'associer. L'heureux coup du sort le désembourbait de la gabegie fratricide. Il lui épargnait du même coup la postérité du "versaillais". Alors, pour le commandant marquis, point d'opprobre, non. Mais le silence, cette autre mort qu'on inflige par suivisme. Ou par paresse.