Un bon écrivain est un écrivain mort

Pourtant, avec ses cheveux coupés très court,
Christine Légo, ressemblait à un petit mec.
Ce côté garçonne n’avait pas déplu à Doc Gynecon,
le rappeur sarkozyste au cerveau aussi vif qu'un cendrier vide,
autrement appelé "1'Azímuté du bulbe".
p53

Afin d'y accéder, il avait dû passer devant une fresque de couleur, placée au-dessus d'une double fenêtre, sur laquelle était écrit " MODESTIA", qu'il n'avait pas remarquée. Pas plus qu'il n'avait vu l'inscription " HUMILITAS " dans le réfectoire , pendant la conférence écourtée.

[ Delphine Végane et Frédéric Belvédère ]
- [...] Non seulement vous vous êtes dégonflé devant la porte de Salinger, mais vous vous en êtes pris à une pauvre fille qui faisait du porno et qui espérait seulement s'en sortir.
- Salinger me fout les jetons ! Déjà que je ne comprends rien à ses livres...
- Pourquoi avez-vous réalisé un documentaire sur lui, alors ? Vous l'aviez, votre scoop !
- Je laisse ça à votre chéri – à qui vous ne devez rien de votre succès, voudriez-vous nous faire croire. Qu'il l'invite donc dans son émission. Il nous bassine tous les étés avec sa spéciale 'écrivains américains'.
- Nous y voilà... Vous êtes vexé parce qu'il ne vous a pas encore invité, c'est ça ? Et dans votre esprit de macho préhistorique, une femme qui réussit est une femme qui couche, c'est ça aussi ? Vous êtes un cliché ambulant, ma parole.
- Excusez-moi, ma jolie, en ce qui vous concerne, ce que je dis est vrai, non ? Quant à 'La Grande Bibliothèque', désolé de vous décevoir, mais ça ne vaut pas 'Apocryphe' ! Votre François Brummell n'arrive pas à la cheville de Bernard Pinot.
- Pinot ne vous a pas invité non plus, que je sache.
- J'étais trop jeune.
- Pas pour 'Potage de mots'.
- J'avais à peine publié. Jean-Edern m'a invité, lui.
- On a les références qu'on mérite.
- Pardon encore, mais entre Edern et Brummel, il n'y a pas photo. Au moins on rigolait avec lui.
- Le problème, c'est que vous ne faites plus rire personne, en vous comportant à cinquante ans comme un gamin de quinze...
(p. 136-137)

Belvédère avait beau se gausser de l'amour, il était très émotif. C'était un grand sentimental. Même devant un porno, il se demandait toujours si les personnages allaient se marier à la fin.
Page 27

Cognito lui demandait d'écrire un livre sur lui.
Écrire sur un Cognito fut-il milliardaire en vue d' une performance artistique qui serait filmée en direct-live et retransmise sur internet.
Pour la somme en question, Yann Moite voulait bien écrire à poil si on l'exigeait.
p66

On le savait d'ailleurs depuis Hemingway et Faulkner, qui se détestaient cordialement tout en respectant le travail de l'autre en secret : tout écrivain digne de ce nom se pense meilleur que les autres. Et souhaite inconsciemment leur mort.
Or, un bon écrivain est un écrivain mort.

- Un esprit était descendu en elles. Les exorcistes musulmans appellent ça des "djinns".
- Des pantalons hantés ? lança Francesco.
- Ne plaisantez pas avec les mauvais génies. Ce qui est invisible n'est pas forcément inexistant.

Tu es le seul nègre que je connaisse à n'avoir pas écrit son livre.
Çà lui avait plu à Doc Gynéco.
p53

Yann Moite regrettait parfois ses jeunes années, quand il écrivait des histoires d'amour d'inspiration romantique. Il se revoyait marcher fiévreusement, manuscrit sous le bras, depuis la porte de Clignancourt, où il habitait, jusqu'à Saint-Germain des Prés, pour présenter son oeuvre aux éditions Grassouillet. Il vibrait, à cette époque. Il y croyait. Mais il fallait se montrer raisonnable, ce n'était pas avec deux mille exemplaires vendus qu'il allait passer à la télé.

De son côté pour retrouver son calme,
Delphine avait entrepris de tricoter près de la cheminée condamnée
il sentait si bon le feu de bois éteint.
p 211