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Critique de ATOS


ATOS
03 février 2019
Vers la lumière ! « les enténébrés ». « Ce mot existe ? » m'a demandé le libraire lorsque qu'il a posé ce livre sur le comptoir… « Oui, il existe, il est devant vous ». Lui ai-je répondu. Simplement. Ils existent. Les enténébrés existent. Enténébrés, enterrés, noyés, recouverts, ensevelis, .. oubliés par des vies, des silences, par le vide. Les enténébrés existent. Nous existons. Lumière comme connaissance, connaître, bien mieux que renaître...naître. N'être que Lumière comme Amour.
Il peut être du mal de vivre mais jamais ne peut exister le mal d'aimer.
Sa douleur oui mais pas le mal.
Composer avec ses seules images est impossible. Nos images sont faites de la clarté et de l'obscurité de toutes les images « phantômes » qui nous donnent forme, qui nous font signes, qui nous donnent gestes. Nous donnent-elles pour autant...réalité ? Nous donnent elles les clés pour rejoindre la réalité ?
Superpositions de blessures, de doutes, de peurs , de joies, images de beauté, images de regards, de corps, de nuit intenses, images de gestes, images de souffles, d'abandon, de fuites. J'aime ce livre. Ce mille feuilles de vies. Il faut traverser les ténèbres pour atteindre la rive des clartés. Passer les rouleaux, plonger, au risque de ne jamais pouvoir remonter. Je suis revenue. Tu vois je suis revenue.. Oui images phantômes.. Les enténébrés existent, ils sortent du noir. Par la musique, les sons, par le cinéma, par les livres, par mille souvenirs, par photographies, par dessous nos paupières, ils sortent de la noirceur de nos mémoires, par chacun de nos pores. Ils marchent , hantent. Les rejoindre c'est un risque. Une chance. Un choix aussi. Mais avons-nous vraiment le choix ? Morale ou éthique, entrechoquements des espaces où nous nous accordons entre toutes nos vies.
Des images me sont revenues à cette lecture, où ai-je rejoint certaines images ? En ai-je fait le choix ?
On choisit un livre. Pourquoi celui là et pas un autre ? Pourquoi aime-t-on , pourquoi celui-ci, ou celle -là, pourquoi maintenant, pourquoi à cet instant si obscur, si désarmant ?
Oui j ai retrouvé des images que je croyais être miennes. Empreintes digitales de ma mémoire.
Lire quelles sont siennes et qu'elles se rejoignent toutes, pour réaliser qu'elles sont nôtres.
Ce livre ne fait pas juste entrer un petit rayon de lumière artificielle. Non, il met en lumière, d'une lumière naturelle. Nue, crue, et pour celles et ceux aux larges paupières, une lumière pure.
On ne peut comprendre le désordre du monde, le désastre annoncé du monde sans se connaître soi même. Savoir la part de mémoire qui réside dans la part des ténèbres qui s'annoncent, qui nous annoncent.
L'espoir que nous portons au monde doit être contenu en nous mêmes. Mais pour cela il faut faire face, dialoguer avec nos phantômes.
Images qui m'ont traversée.., traversées d'images... La jeune fille morte à Nevers de Duras, «  je n'ai rien vu à Vienne « ... Jacques Austerlitz et son diorama, les mots et la pensée de Didi-Huberman.
Association d'images et de pensées, de colères, d'intelligences. Je porte une mémoire qui ne m'appartient pas... Comme l'enfant que l'on porte, à qui nous donnons vie. Et qui transportera, fera vivre et survivra . Ce livre porte l'espoir d'un renouveau. La souvenance de nos survies. Pour peu qu'on veuille bien traverser les miroirs de notre mémoire, pour peu qu'on ait la force d'entendre de voir de penser et de comprendre ce qu'ils contiennent.
J'aime les livres, aucun ne sont miens, mais je les porte tous. Et ce livre je le porterai toujours.
La lecture est un bonheur, ou plus exactement comme Sarah le transmet à sa fille, c'est le moment où tu t'aperçois que tu sais lire qui est merveilleux. le bonheur né de la prise de connaissance d'un savoir. Avant, avant la lecture c'était la nuit, et puis le jour se lève sur les mots et le bonheur d'être grandit. Sur l'esquisse sublime d'autres bonheurs sourit tous les visages d'un avenir possible .
La lecture et l'écriture ont cette même capacité. Elles nous font sortir des ténèbres, en détruisant les ténèbres qui sont en nous.

Nous appartenons au désastre du monde et le désastre du monde nous appartient, ou plus exactement , nous revient. Nous sommes liés.
Ce que nous appelons désastre peut devenir chance, renouveau. Ce que nous appelons aujourd'hui bonheur peut être demain le géniteur de la fin de notre temps.
C'est l'ignorance de ce que nous vivons , dans le présent, qui condamne, seule la connaissance d'un tout pourra faire naissance. C'est un peu faire langage de résilience.
Mais comment survivre sans espoir, sans le goût de la lumière qui est toujours en nous ?
Je ne peux que vous conseiller d'aller à la rencontre du dernier né de Sarah Chiche.
Si je peux émettre un souhait, c'est que nous prenions tous conscience que notre possibilité d'aimer chassera la volonté d'ignorer.
Merci à Sarah Chiche pour cette bouleversante histoire d'humanité.
Merci, pour ce voyage à travers la nuit de tous nos temps.
Vers l'infini , à la Vie, et à la demeure de l'Amour !
« « … il crée de toutes pièces, à contre –courant du monde et de sa cruauté, une situation dans laquelle un enfant existe, fût-il déjà mort. Pour que nous-mêmes sortions du noir de cette atroce histoire, de ce “ trou noir ” de l'histoire. » Georges Didi-Huberman , lettre à László Nemes réalisateur du film, le Fils de Saul, extrait.

« S'il n'est de dieux sur terre,
Nous serons Dieu nous-mêmes ». Wilhem Müller, le voyage d'hiver.

Astrid Shriqui Garain








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