Agatha Christie, tome 6 : Les années 1938-1940

Mettez-vous cependant bien en tête, Mr Lee, qu'il ne peut y avoir de retour en arrière. Je ne suis pas un chien qu'on lance sur une piste et qu'on siffle pour le rappeler parce qu'on aime pas le gibier qu'il a levé !

- Seriez-vous en train de m'avouer, madame, que votre mari a tué son père ?
- Ce que je vous avoue, monsieur Poirot, c'est qu'il aurait fort bien pu le faire. Mais j'ajouterais également ceci : il ne l'a pas fait ! Quand Simeon Lee a été tué, son fils jouait la Marche funèbre. Le désir de meurtre était dans son coeur. Il est passé dans ses doigts et s'est éteint dans la musique : voilà la vérité.

En 1938, il se produisit dans la vie d'Agatha Christie plusieurs événements relativement anodins pris séparément mais dont la conjonction donne, rétrospectivement, l'impression de marquer la fin d'un cycle biographique, la fin d'une époque heureuse : celle des "jours tranquilles avec Max", selon la propre expression d'Agatha Christie... Comme si le destin annonçait par des petits signes indéchiffrables la tempête à venir.

Présentation par Jacques Baudou, Les années Poirot (3)

Les mensonges, mademoiselle, en apprennent autant que la vérité à celui qui sait écouter. Plus même, parfois.

- Et si elle n'est pas morte, continuait Japp, où diable est-elle allée se fourrer ? Cela fait plus d'un mois, maintenant, que son signalement est diffusé dans la presse à travers tout le pays.
- Et personne ne l'a vue ?
- Bien sûr que si ! Pratiquement tout le monde l'a vue ! Vous n'avez pas idée du nombre de dames entre deux âges, à l'allure fanée et vêtues d'ensembles artisanaux en lainage vert olive délavé qui sillonnent l'Angleterre ! On l'a vue sur les landes du Yorkshire, dans des hôtels de Liverpool, des pensions de famille du Devon, et même sur la plage de Ramsgate !

- Ce que les vieilles filles s'imaginent avoir vu est très souvent juste. Ma tante Mildred était quasiment extra-lucide. Avez-vous des tantes, Thomas ?
- Je... euh... non.
- C'est une erreur ! dit Luke. Tout homme devrait avoir des tantes. Elles illustrent le triomphe de l'intuition sur le raisonnement. Seules les tantes Mildred peuvent savoir que Mr X est un malfrat parce qu'il ressemble à un majordome malhonnête qu'elles ont eu jadis à leur service. Les autres soutiendront, non sans logique, qu'un homme aussi respectable que ce Mr X ne peut en aucun cas être un escroc. Mais les braves vieilles tantines ont raison à tous les coups !

Et dire que, pas plus tard que ce matin, soupira Sarah, on m'a obligée à sortir d'une église parce que je portais une robe sans manches. Il faut croire que le Tout-Puissant, qui m'a pourtant donné des bras, ne les apprécie guère.

Il est des instants humiliants dans la vie des plus grands hommes. On prétend que nul n'est un héros aux yeux de son valet. A cela il est permis d'ajouter que peu d'hommes sont des héros à leurs propres yeux en présence de leur dentiste.

Lady Westholme fit son entrée avec toute la majesté d'un paquebot défilant en grande pompe au pied de la statue de la Liberté.