Citations sur Le livre des leurres (75)
Quand vous souffrez de trop d’élan, quand l’enthousiasme de vivre vous pèse et que, devant l’explosion désordonnée de votre vie, vous redoutez le suicide, transformez l’excès de douleur en anathèmes, canalisez les vagues débordantes de votre énergie dans des extases vitales. Cherchez dans les drames des occasions de sublimation, usez des tragédies comme de voies vers la pureté, torturez-vous pour vaincre la pourriture qui vous ronge.
La profondeur d’une pensée est fonction du risque que l’on y court. Ou nous mourons en héros de la pensée, ou nous renonçons à penser. Si penser n’est pas un sacrifice, à quoi bon penser encore ?
Vis comme un mythe ; oublie l’histoire ; pense qu’en toi, ce n’est pas une existence qui se brise mais l’existence ; que la matière, le temps, le destin, se sont concentrés dans une seule expression ; devient source d’être et d’actualité dans l’existence. En vivant comme un mythe, tout ce qui est anonyme te sera propre et tout ce qui est personnel deviendra anonyme.
Et quand mon amour réduit à l’intensité de ces malédictions, c’est comme si je combattais mes propres tristesses, mes maladies et mes malheurs, dans une lutte qui, en les adoucissant chez les autres, les fait grandir en moi, pour qu’en maîtrisant leur variation, je puisse mieux les supporter
Quand on vit de manière extrêmement intense, les contenus de l’être débordent les limites de l’existence individuelle ; on a alors l’impression que palpitent en nous des forces inconnues, obscures et lointaines, et que se consomme un destin dont on n’est plus responsable.
Les états n’ont de valeur et n’expriment une profondeur exceptionnelle que s’ils amènent au regret de ne pas mourir.
N'avez-vous pas senti un jour la vie s'arrêter en vous ? N'avez-vous jamais souffert que la vie se "taise" ? N'avez-vous pas senti que vos instincts se dissolvaient et se retiraient comme dans un reflux définitif ? Et n'avez-vous pas senti dans ce reflux la solitude d'avoir été abandonné par la vie?
Quand, au lieu d’un amour, on parvient à voir l’amour, au lieu d’une souffrance, la souffrance, au lieu d’un triomphe, le triomphe, la substantialisation des expériences individuelles prive la vie de son éventuel charme direct.
Je veux mourir seulement parce que je ne suis pas éternel. Et si, à titre absolument exceptionnel, l’immortalité m’était offerte, je ne l’accepterais pas, parce que l’éternité qui me resterait à vivre ne pourrait me consoler de l’absence de celle qui m’a précédé.
Je ne peux me consoler de ce que Jésus n’ait pas entendu parler de moi.