La difficulté le stimulait. Rien ne lui avait procuré de plus grandes joies que ses longues années d’apprentissage en Russie, lorsqu’il fabriquait l’émail par strates, insérait des motifs de feuilles d’or entre les couches, puis gravait des décorations sur l’objet à recouvrir avant d’y appliquer l’émail lui-même. Ensuite, il le polissait à l’aide d’une peau de chamois pendant des heures, avec amour. Il savait que pour aboutir à une beauté parfaite, il ne faut ménager ni son temps, ni sa peine.
Il aidait les aveugles et les vieillards à se frayer un chemin au milieu de la circulation de Madison Avenue. Bien sûr, il le faisait pour l’argent, mais aussi par principe. La plupart du temps, il ne le regrettait pas : ces personnes vulnérables se montraient généreuses avec lui, non parce qu’elles étaient riches, mais parce que sa bonne volonté et son empressement lui attiraient toutes les sympathies.
Dans un monde où l’on se prenait terriblement au sérieux, il avait l’art, grâce à son humour, d’apaiser les tensions.
Parfois, le sujet traité par Faye se révélait plus intéressant que prévu. Le directeur de la rédaction était alors bien obligé de lui accorder une place dans le journal du soir. Il ne le faisait qu’en rechignant. Lorsque le reportage était bon, il en attribuait tout le mérite au correspondant sur place. S’il n’avait pas l’impact espéré, toute la responsabilité en revenait à Faye, éternel bouc émissaire.
Mieux valait partir avant de changer d’avis. Quand on décide de commettre un crime, il faut aller jusqu’au bout, sans se poser de questions.