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Critique de Lamifranz


« Les Fruits de l'hiver » est le quatrième et dernier roman de « La Grande patience », cette très belle saga où l'auteur raconte, de façon semi-autobiographique, ses années de guerre.
Avant de parler directement du thème de ce livre, il faut dire quelques mots sur sa sortie et sur sa nomination au prix Goncourt, qui nous prouve (si besoin était) que l'intérêt des prix littéraires touche plus à la vanité des écrivains et aux profits des éditeurs qu'à la valeur (réelle) des oeuvres présentées. Cette année-là étaient finalistes Bernard Clavel (pour « Les Fruits de l'hiver ») et François Nourissier (pour « le Maître de maison »). Cinq voix iront à Bernard Clavel contre cinq à François Nourissier, mais la voix du président (Roland Dorgelès) comptera double et départagera les candidats : Les Fruits de l'hiver l'emporteront contre le Maître de maison.
Louis Aragon, dont Nourissier était le « poulain », claquera la porte de l'Académie, après à peine un an de présence. Les causes réelles restent inconnues, la haute qualité des oeuvres présentées n'étant pas du tout en cause. O tempora ! O mores ! (comme disait Cicéron).
Quoi qu'il en soit, « Les Fruits de l'hiver » mérite amplement sinon le prix Goncourt, du moins l'adhésion du public : c'est là un magnifique roman dans le prolongement des trois premiers, avec une grande pudeur. Pudeur est sans doute, en effet, le mot qui qualifie le mieux ce portrait des vieux parents de Julien qui terminent la guerre dans une sorte d'isolement, où, unis dans l'attente, le chagrin, la nostalgie et la crainte de l'avenir, ils vivent (ou survivent) comme s'ils étaient dans un monde à part. Julien n'est toujours pas rentré. Paul, lui, fricote avec les occupants et les collabos. Les deux vieux coupent leur bois, font leur pain, se recroquevillent en une espèce d'autarcie, ne demandant rien à personne, par pudeur (les malveillants disent par orgueil). Attendre. C'est toute leur vie. Les visites de Paul et de sa femme de temps à autre, coupent un peu la routine, mais la porte refermée c'est leur enfer intérieur qui recommence. Attendre. Julien, le petit, la mère ne le verra pas revenir. Et le père… Mais n'est-il déjà pas trop tard ?
Ce livre est bouleversant. On sent que toute l'émotion que l'auteur met dans ces pages, ne doit rien au savoir-faire littéraire : c'est du vécu. le père Dubois, c'est mon père, c'est le vôtre, c'est cet homme qui, quand il s'en va, vous laisse tout nu, en pleurs et disant « si j'avais su… » La qualité d'un grand écrivain, c'est d'abord d'être humain, pour pouvoir parler à ses lecteurs et ses lectrices, de ce qui les touche. Bernard Clavel, dans ce livre-là en particulier, est particulièrement émouvant. Et c'est l'une des principales raisons de sa popularité. Ces messieurs-dames des prix littéraires, ou de l'intelligentsia intellectuelle (on retrouve les mêmes, aujourd'hui aussi) affichent un certain mépris pour les écrivains dits « populaires ». Pourtant ce sont bien ceux-là qui parlent de la vraie vie, de la vraie souffrance et de la vraie mort. Sans ostentation, ni pathos. Avec pudeur.
Et c'est souvent à ceux-là qui ne se mettent pas en avant, qui demeurent dans l'humilité, la pudeur, la simplicité que devrait aller notre reconnaissance. Bernard Clavel, malgré sa célébrité, est de ces écrivains qu'on lit parce qu'on les aime, mais qu'on aime parce qu'on les lit, et parce qu'ils sont ce qu'ils sont, y compris hors des projecteurs.
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