Quand il était petit, dit-il, il était toujours fourré avec les lutteurs. Moi j'espérais. Et le vieux aussi. Mais c'était un garçon qui lisait. Toujours la tête à fermenter....Il n'était pas fait pour la vie que nous menons.
- Si tu t'étais tiré, demanda Kid, qu'est ce que tu allais bricoler à Paris ?
- Je sais pas
- Tu voulais retourner dans ton usine de verres ?
- Sûrement pas. N'importe quoi, mais pas cette vacherie-là !
Il entendit à peine Kid murmurer : - Bien sûr, n'importe quoi…
Usine. Ce seul mot avait suffi pour que tout un monde se mette à vivre. Un monde triste et dur. Un monde monotone. Un monde où le gris de l'émeri se mêlait à la rouille de cette poudre à polir qui vous collait à la peau et imprégnait les vêtements. Pierre revoyait les visages, gris et rouillés comme toute l'usine, se pencher vers les machines. Des bras répéter toujours et toujours le même geste, à la même cadence strictement minutée. Des dos voûtés à force d'être courbés vers les bacs de lavage où les mains devenaient molles et tendres avant d'être déformées par le rhumatisme. Le passage horaire des contremaîtres vérifiant les galbes, comptant les blocs.