Citations sur Nephilim - Intégrale, Tome 1 : Les Déchus (23)
Nej resta figée par la violence de la scène. Wag l'entraîna loin du corps en lui adressant un regard triste.
"Viens, faut pas rester ici."
Haeres continuait sa route dans la station. Au détour des couloirs et des escaliers, ils croisèrent plusieurs cadavres dont la tête était inclinée au mépris de toutes les lois anatomiques. Haeres traversait ce spectacle d'horreur sans montrer le moindre trouble.
Derrière eux, les bruits se rapprochaient. Ils atteignirent enfin les derniers escaliers mécaniques qui menaient au-dehors. La grille qui en interdisait l'accès avait été arrachée.
La peur.
C'était cela. Cette lente plongée dans les noirceurs de l'humain, dans les profondeurs absurdes de la fragilité des mortels.
La nuit était tombée et les mortels rêvaient. Leurs cauchemars délicieux quittaient leur cerveau torturé, s'envolaient dans le ciel et semblaient se rejoindre en une immense nuée sous la lune noire. Certains ne dormaient pas et leur cœur battait à tout rompre dans leur maigre poitrine, attendant le jour et l'évanouissement de leurs terreurs nocturnes. Les rues sentaient l'angoisse, les rancœurs moites, les joies sourdes, les sueurs rances.
Et Azarian jouissait.
-Il dit : "Halal", c'est-à-dire: "Mort... Mort... Mort..." Il ne cesse de le répéter.
-Eh oui, c'est pas drôle d'être mort! conclut spirituellement Azarian.
"Doucement, mon ange. J'aimerais arriver au cimetière par l'entrée des visiteurs, pas celles des résidents!"
-Kezet scokolom!... Isten megaldja!... Szanja meg az éhezoket!... Harom gyermekem van!...
-Qu'est-ce qu'elle a dit? s'enquit Azarian.
-Elle a faim et elle a trois enfants, traduisit Katalin.
-Elle n'a qu'a les bouffer! trancha le Selenim.
La plupart des humains sont comme les prisonniers dans la caverne de Platon. Ils regardent des ombres et les prennent pour la réalité. Ce qui m'insupporte au plus haut point, c'est quand ils croient avoir compris un peu la vérité occulte qui les dépasse totalement. Dans ces moments, je préfèrerai que les mortels, en plus d'être idiots, soient également aveugles, sourds et muets.
Ezechiel ne supportait pas cette manie des humains de gémir sur leur sort, en particulier pour des motifs aussi vains que la détérioration d'un corps primitif et laid dont la durée de vie excédait rarement cent ans, tandis qu'Alvo supportait la lente montée du khaïba depuis des siècles.
-Je me demandais ce que vous pensiez des deux meurtres de ces dernières semaines. La mise en scène qui entoure la disposition des cadavres peut faire penser à des crimes satanistes. Et certains font remarquer que ces meurtres ont commencé depuis que vous êtes à Budapest... Il y a d'autres coïncidences frappantes. Par exemple, vous avez une chanson sur votre album, "Where Satan Lies", qui est une véritable déclaration de soumission au Malin. Vous êtes réellement sataniste? [...] certains laissent entendre que les groupes comme le vôtre ont une très mauvaise influence sur la jeunesse.
Azarian agita ses cheveux noirs où perlaient encore quelques gouttes d'eau.
-Vous avez lu Homère?
-Un peu à l'école, répondit la journaliste interloquée, mais je ne vois pas...
-Ça parle de gens qui se massacrent entre eux, qui outragent des cadavres et qui font payer des rançons pour que les familles récupèrent les corps. Vous trouvez que c'est une bonne image à donner à la jeunesse? Et pourtant vous l'avez étudié en classe.
-Votre dernier album s'intitule "Dead Fuckers". C'est également le titre de la chanson-phare où vous racontez l'histoire d'un homme qui va violer des cadavres. Ces cadavres prennent ensuite vie et le violent à leur tour. Pourquoi cette volonté de choquer?
-Moi je ne trouve rien de choquant là-dedans, rétorqua Azarian. Cet homme se livre à son vice et il en est puni par ceux-là mêmes qui sont ces victimes. J'ai surtout voulu montrer le caractère contagieux du vice qui se transmet comme un virus. En fait, c'est une chanson très morale...
Le cœur est un chasseur solitaire.