Rolls, parce que c'est un enfant de luxe, comme sa sœur Mercedes, et son petit frère Bentley.
(P40)
Il faut croire que les mamans sont comme les animaux : elles ont du flair.
- Tout va bien à l'école ? m'a-t-elle demandé pendant le dîner.
J'ai rougi et j'ai gardé mes yeux baissés au fond de mon assiette.
- Oui, j'ai répondu, ça va.
Mais Maman est pire que les autres. Elle a du flair et des antennes, comme les abeilles.
- Montre-moi ton carnet... a-t-elle susurré.
« - Aimé, hé hé, Aimé-mémé, si tu crois qu'on va t'aimer... hi hi hi ! Moi je hausse les épaules. Mais c'est comme si le ciel s'était assombri. Dans ma tête, je repense à ce que maman m'a dit : que je suis l'enfant de l'amour et son plus beau joyau. Mais tous les matins, ces deux-là m'attendent et j'ai droit au même refrain. - Aimé, hé hé, Aimé-mémé, si tu crois qu'on va t'aimer... hi hi hi ! Je hausse les épaules encore et encore, mais ce matin-là, je ne sais pas pourquoi, je me suis réveillé de mauvaise humeur. Maman dit que ça arrive, que c'est un petit nuage qui s'est trompé de direction, qui loge dans ma tête et fait tomber la pluie. C'est pour ça que j'ai envie de pleurer. »
On est entré en classe. La maîtresse a demandé qui voulait réciter le poème "Mon nom, c'est Liberté" de Paul Édouard. J'ai levé la main parce que je le connaissais par coeur. J'ai commencé à réciter.
Prudence s'est retournée. Chaque fois que je disais "liberté", elle articulait "Aimé" mais sans proférer un seul son, et en faisant la grimace. J'étais le seul à l'entendre et à la voir, évidemment. Ça a fini par me perturber. Et à la fin du poème, au lieu de dire "Mon nom, c'est Liberté", j'ai dit "Mon nom, c'est Aimé". Tout le monde a rigolé, sauf la maîtresse.
- Aimé, si tu veux faire le clown, tu attends la récré, compris ?
J'ai baissé la tête, parce que les larmes montaient et je ne voulais pas qu'on les voie.
- C'est drôle, a dit quelqu'un, parce que Prudence, elle n'est pas du tout prudente !
- C'est vrai, a dit la maîtresse, on n'a pas toujours un prénom qui nous ressemble.
Alors j'ai foncé dans le tas. Comme un lion. J'ai donné un énorme coup de pied à Prudence et j'ai tiré les tresses d'Olive : elles font des kilomètres, ce qui est drôlement pratique.