« Bonjour les Babélionautes ! La critique d'aujourd'hui est sponsorisée par l'opération Masse critique : le mot du jour concernera donc un court roman titré
Angelina et June, de
Yves-Marie Clément, édité chez Talents hauts. Merci pour leur envoi !
Or donc June vit avec sa grand-mère sur une île où la religion et les préjugés dirigent la vie de la population. Un soir, elle allume un feu sur la plage et une étrangère nommée Angelina s'y échoue. Les deux jeunes filles vont rapidement nouer des liens amoureux…
Alors, pour commencer, Talents hauts m'a envoyé un petit dépliant avec une interview de l'auteur, ce que j'ai trouvé intéressant !
-Et au verso se trouve l'histoire entière et divulgâchée du roman, ce que j'ai trouvé agaçant !
-C'est sans doute un document destiné aux libraires, Méchante Déidamie ! Comme ça, ils n'ont pas besoin de tout lire pour connaître l'histoire… très utile, à mon avis !
-Mais on n'est pas libraires, nous, on est de vulgaires quidams sur un réseau social ! M'enfin, Obélix, il prévient quand il défonce les portes, alors pourquoi on ne préviendrait pas quand on révèle tout ? Tu mets le truc dans une enveloppe avec écrit dessus « Youhouuuu ! Ecartez-vous, on va spoiler ! » Je n'ai pas commencé le bouquin que déjà j'ai une mauvaise impression. Faites comme Obélix : prévenez quand vous défoncez !
-T'as fini de râler, un peu ? On est là pour parler du livre !
-Tu veux que j'enchaîne sur le livre en lui-même ? OK. Dès la première page je n'ai pas apprécié : les phrases se succèdent, brèves, rapides. Cela donne au texte une froideur qui ne m'a pas aidée à entrer dans l'histoire, comme si les mots étaient débités par une machine. June paraît détachée de tout, même quand elle éprouve du chagrin ou de la détresse. Je n'entendais pas le ton des émotions, je ne parviens pas à le saisir. J'ai repéré des répétitions, ce que je déplore dans un ouvrage aussi bref.
L'histoire continue et le malaise s'aggrave. Angelina entre en scène et ce qu'on sait d'elle à ce moment précis… c'est qu'elle est à poil sous ses vêtements tout mouillés qui ne laissent aucune place à l'imagination. le texte est explicite là-dessus, zéro ambiguïté.
Hem.
L'héroïne numéro deux entre dans l'histoire en luttant pour s'extraire d'une mer démontée qui menace de la tuer, et tout ce que la narration mentionne… c'est sa nudité ?!
-Alors Méchante Déidamie, pour la défense du bouquin, il me semble qu'il veut faire la part belle à l'éveil de la sexualité, si je me fie à l'abondance de détails sur le sujet…
-D'accord, mais je trouve que c'est mal fait ! je n'aime pas qu'on présente les persos féminins pour et par leur physique ! Et Sethi, on en parle ?
Sethi est un personnage secondaire, une jeune fille dont la beauté est admirée par June. A quoi ressemble Sethi ? Elle possède un « corps de femme et un visage d'enfant ».
La seconde partie de la description me glace les sangs. A tort ou à raison, je n'en sais rien, là-dessus, hein, pure sensibilité personnelle.
Pour en revenir à l'histoire entre June et Angelina… je l'ai trouvée artificielle, malsaine et insatisfaisante. Artificielle, parce que les dialogues sonnent faux. le désir de June ne me paraît pas authentique dans sa façon de s'exprimer. Malsaine, parce que June tient des propos plus que limites sur Angelina, qu'elle considère comme sa propriété et qui devient une obsession (la conclusion ne laisse guère de doute à ce sujet et je ne suis pas optimiste pour l'avenir de leur relation) ; insatisfaisante, parce qu'Angelina ne révèle pas vraiment qui elle est…
L'ensemble génère plus de frustration qu'autre chose.
Attention, que les choses soient claires : je ne reproche pas du tout au roman de parler de désir amoureux. Je lui reproche de le faire avec maladresse, nuance.
-Moi, ce que je trouve formidable, c'est le message de tolérance et d'ouverture… L'homophobie, la xénophobie, le machisme et l'obscurantisme religieux détruisent les gens et les rendent bêtes et cruels.
-Mais là encore, impossible de me convaincre ! Ledit message est assené avec un tel manque de subtilité que je n'en retire rien ! Et je le regrette d'autant plus amèrement que le livre est soutenu par
Amnesty International, dont j'admire et salue le travail !
Je n'ai pas compris l'utilité du mythe fondateur de Ragnhildr, bien qu'il soit mentionné plusieurs fois. Je n'ai pas eu l'impression qu'il servait de modèle à l'héroïne. Il a l'air pourtant d'être important, il est même cité dans la toute dernière phrase… que je n'ai pas comprise, elle non plus. Alors j'ai essayé d'analyser grammaticalement… ça ne me parlait pas davantage… j'en ai conclu que je suis une buse en grammaire.
Bref, je n'ai pas apprécié la forme. Quant au fond… il est noyé sous des représentations qui ne fonctionnent pas sur moi, qui ne me portent pas vers le rêve, mais vers le cauchemar.
-C'est vraiment dommage, parce que moi, Gentille Déidamie, je voulais vraiment pouvoir m'exprimer !
Yves-Marie Clément ne cache pas qu'il a voyagé dans des lieux fantastiques, je m'attendais donc à visiter une île imaginaire inspirée de ses expériences, mais je suis restée dans l'obscurité.
Quoi qu'il en soit, Babélionautes, ce n'est jamais que notre avis… si vous avez l'occasion de le lire, surtout ne nous écoutez pas et faites-vous le vôtre. »