Citations sur Marcher à l'estime (31)
Quand on ne peut pas croire, il suffit d'admirer.
Epigraphe
Quand les mystères sont très malins, ils se cachent dans la lumière ; l'ombre n'est qu'un attrape-nigaud.
Jean Giono, Camargue
La Collection
La collection participe d'un autre mouvement que la collecte. Finis les bois et les ornières, les lisières, les plans d'eau, la belle passementerie des paysages, leurs tresses, leurs torsades, leurs galons.Finies les riches bordures des champs, la ganse des fossés où trouver, en marchant, le foisonnement des choses éparses. On passe du fortuit à ce qui va rester, à ce qui demeure chez soi, qui pour longtemps sera à l'abri.
( p.76)
Heureux de tel larcin, satisfait de tant de trouvailles, j'en arrive à n'être jaloux de rien. Les pierres peuvent être des objets d'art plus que " contemporain ".
Henry Moore collectionnait les pierres bizarres et s'en servait pour sculpter.(...)
Ce que j'aime plus que tout, c'est quand la nature nous prend de court, qu'elle a déjà tout trouvé avant nous, quand elle fait du surréalisme direct, de l'abstraction lyrique ou de l'art zen.Alors je me dis qu'il faut déserter les goûts culturels du moment, leurs cérémonies fades et coûteuses, pour aller aux sources de l'art vivant au sens le plus fort que l'on doit donner à ce mot.
( p.28)
(**À propos de Bruce Chatwin)
Son oeuvre est courte mais contient assez de questions pour résister à l'usure, aux à-peu- près que le culte qui lui est voué risque de faire peser sur elle.On l'attend ici, il donne un roman, des plus classiques, très
" terroir", " Les Jumeaux de Black Hill".On le veut décidément écrivain de voyage, il conte une histoire de collectionneur fou de Prague, égaré dans des figurines de porcelaine.En dehors de " Patagonie", il y a un essai que je traîne avec moi depuis sa première lecture- tout chiffonné, moi qui tiens tant aux livres ! C'est un livre de chevet.Il fallait bien qu'un jour cela m'arrive : un livre pour ne plus en lire d'autres, une sorte d'ultimatum.(...)
On se retrouve en Europe, dans un moment d'échange, confortable, supérieur, privilégié.Une impasse ?
Au coeur des questions fondatrices.Puis tout s'emmêle : des notes de lecture, des lettres, des souvenirs, quelques anecdotes privées- mais fines, toujours, des citations de nos meilleurs auteurs. (...)
et " Chants de pistes" ( titre de l'ouvrage choyé), en Australie, à l'écoute des chants des Aborigènes, qui fixent ainsi à travers la mémoire orale un territoire du clan, de l'ancêtre et de leur propre lien aux lieux.On nage en pleine magie (...)
( Le Temps qu'il fait, réédition dans la petite collection " Corps neuf", octobre 2023, p.135)
J'aime les bricoleurs du dimanche, ceux qui travaillent la pierre et le bois pour échapper aux rattrapages systématiques. Il en est de très malins; ils ont bâti en dur leur monde à eux; on ne risque pas de le détourner. Ainsi Adolphe Julien Fouré, cet abbé de Rothéneuf en Bretagne qui construisit à la fin du siècle dernier, sur 500 mètres carrés de rochers de granit, son insolent enclos paroissial bien à lui, sa saga historiques des héros du pays.
( Le Temps qu'il fait, 1995, p.147)
Marcher, sortir de soi, aller ici et là, en quête d'une connivence, c'est répondre. Poser quelques mots sous les pieds, dans le sable mettre des pierres, c'est parler. (...)
Entamer tout seul en sifflant le début d'une fugue de quelques heures à travers bois, c'est aimer.
Être envahi de peinture et regarder les arbres.Voir ici et là dans les saules et les platanes des chemins, des aulnaies, du ruisseau, le dessin laconique et précis, affolé déjà, de Van Gogh, de ses arbres à lui, dessinés au roseau, dans cette couleur sépia de l'automne froid.Avoir la santé du lièvre de Dürer, courir ses maisons et ses toits, ses chaumes, et la petite fumée sortie d'ailleurs.
( p.17)
Accordons-nous cette liberté qui nous oblige à penser, car penser est une joie,rarement déçue si elle porte sur ce que l'on aime vraiment. Et allons ainsi d'un bon pas,porté par les ricochets que peut faire l'écriture par simple contagion.(p.10)
J'aimerais voir des livres plus que vivants, ouvrir des pages ayant le goût des choses, sentant l'herbe, le foin coupé, les pommes, les bois encore humides.Est-ce possible.?
(...) Ne vaudrait-il pas mieux prendre le large, abandonner tant d'étagères et courir après ses chimères, au-delà de quarante ans? Et ne plus vivre que les fenêtres ouvertes sachant que, perdu pour perdu,autant vaut se vivre libre ? À l'air libre ?
(Le Temps qu'il fait, réédition dans la collection " Corps neuf", octobre 2023)
La Nature de l'art
L'art est ce rêve de désirs entiers où nous avons tous un jour imaginer nous baigner.(...)
L'art est là pour réaliser l'impossible.Il doit réenchanter la vie.
( Le Temps qu'il fait, réédition 1995, p.131)