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Critique de JML38


JML38
17 septembre 2019
Jonathan Coe reprend des personnages de «Bienvenue au club» et «Le cercle fermé» qui couvraient les années Thatcher et Blair, et les installe cette fois dans une période allant d'avril 2010 à septembre 2018, englobant donc le référendum du 23 juin 2016 sur le maintien ou non du Royaume-Unis dans l'Union Européenne. Une scène d'enterrement, celui de Madame Trotter, permet de faire la connaissance avec les principaux protagonistes. Colin, le mari, Benjamin et Lois, les enfants, Sophie la fille de Lois et les proches amis Philippe et Doug.

Le récit s'attache principalement au parcours de deux personnes. Benjamin, récemment entré dans la cinquantaine, réfugié dans un moulin et ses amours passées, dont le rêve est d'écrire une oeuvre qui marquerait son époque, et Sophie qui a les ambitions de son âge : réussir sa vie universitaire, professionnelle et amoureuse. Au travers de petites scènes de la vie quotidienne, l'auteur dépeint une société anglaise multiculturelle réputée pour sa modération et sa tolérance, mais dans laquelle apparaît un sentiment d'injustice, une rancoeur contre une élite politico-financière et un sentiment d'appauvrissement général.

Le rapport aux minorités est très présent tout au long du récit, dans des discussions d'où ressortent des divergences de points de vue entre ceux qui pensent comme Sophie, ardente défenseuse de l'intégration, et ceux qui, comme sa belle-mère, et dans une certaine mesure son mari Ian, sont adeptes d'une certaine préférence nationale et voient d'un mauvais oeil l'augmentation du nombre d'étrangers. Coriandre, la fille de Doug et adolescente rebelle, symbolise une jeunesse en colère contre le monde que la génération précédente lui a légué, génération qui, à l'image de Benjamin, semble plutôt s'être assoupie dans un confort bercé de nostalgie.

A la suite de la promesse électorale faite par Cameron, le référendum apparaît dans les esprits et les débats, mais sans être omniprésent dans le récit. Il le sera bien sûr nettement plus après le Brexit, sur la fin du roman. En revanche, il est le sujet principal de paragraphes relatant les entretiens assez surréalistes entre Doug, journaliste de sensibilité de gauche, et un sous-directeur de la communication du gouvernement. de petits bijoux dans lesquels l'auteur décrit de façon jubilatoire l'état d'euphorie inconsciente qui semble régner avant l'échéance cruciale, le summum de la dérision étant atteint dans une dernière et savoureuse entrevue postérieure au vote.

L'évocation d'évènements marquants de cette période permet d'ancrer l'histoire dans la réalité : les émeutes de 2011, la victoire surprenante et contre tout pronostic de David Cameron aux élections générales de 2015, l'agression mortelle de Jo Cox, députée pro-maintien, la cérémonie d'ouverture des Jeux Olympiques de Londres, grand moment de ferveur nationale et, plus anecdotique mais néanmoins important pour les Britanniques, l'interruption de la course d'aviron entre Oxford et Cambridge par Trenton Oldfield.

J'ai découvert un auteur doté d'une belle écriture, fluide, subtile. À aucun moment je n'ai eu l'impression de m'ennuyer dans ces 550 pages, qui ne nous racontent somme toute que le quotidien d'une famille anglaise entre Londres et Birmingham, la vie avec ses joies et ses désillusions, le tout avec beaucoup de sensibilité, une pointe d'humour d'une grande finesse et des moments pleins d'émotion. Et si au passage on en apprend un peu plus sur son pays et les soubresauts qui l'ont secoué ces dernières années, c'est que son but est atteint en toute simplicité.

Je remercie lecteurs.com et Gallimard pour cette belle lecture.
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