Le quartier* était déjà un repaire d’artistes et de subversifs quand Jack Kerouac et Allen Ginsberg s’y rencontrèrent, en 1944 : l’un, venu de sa province quelques années plus tôt, ancien joueur de football américain, mécanicien, pompiste, cuisinier sur un navire de commerce, réformé à l’armée pour des problèmes psychiatriques, l’autre, fils d’un professeur juif émérite du New Jersey, tous deux étudiants à l’université de Columbia à leurs heures perdues, aspirants poètes et passionnés de jazz. Ils ne tardèrent pas à se trouver d’autres compagnons d’aventures, parmi lesquels un maître sulfureux, William Burroughs, l’héritier scélérat d’une dynastie d’industriels de Saint-Louis, explorateur de substances et de pratiques sexuelles ; un Italo-Américain dénommé Gregory Corso, tout juste sorti de prison, lui qui avait grandi ici même, entre la maison de correction et la rue ; et un vagabond dont ils allaient tous s’éprendre, Neal Cassady, le voleur de voitures et coureur de jupons, carrément né dans une voiture, d’après ce qu’il disait, et qui avait grandi du côté de Denver avec un père alcoolique et sans mère. Tous attirés par New York comme des papillons de nuit parce qu’ils voulaient vivre libres et écrire comme jamais on n’avait'écrit,.....
*Greenwich Village
Il y a longtemps que j'ai compris qu'à New York, l'authenticité se déplace vite, elle échappe à celui qui lui court après comme le hors-la-loi le plus recherché, elle choisit des endroits improbables pour se manifester, et quand cela vient à se savoir, que tout le monde accourt pour l'admirer, elle n'est déjà plus là.
La New-York Public Library, immense temple de la lecture, peut-être la seule véritable cathédrale d'ne ville qui respecte toute les religions mais n'en embrasse aucune. (p114)
New-York, tu la prends comme elle est mais tu la fais également tienne à ton arrivée : elle était différente avant, aussitôt après elle changera encore, et tout ce que tu écris sur elle vieillit immédiatement, l'encre n'a pas eu le temps de sécher que c'est déjà daté. C'est un instantané de quand tu y étais, ni plus ni moins. (p149)
Il y a un petit jeu auquel je m'adonne souvent, à New York, cédant à la manie locale des classements: j'ai mes gratte-ciel préférés (le Chrysler, le Flatiron, l'Empire), mes lignes de métro préférées (la F, pour toutes les fois que je l'ai prise, la 7 pour tous les lieux qu'elle traverse), mes librairies préférées (aucune n'arrive à la cheville de Strand). Pour les ponts, je suis partagé.
Je mords dans mon sandwich devant les gratte-ciel de l'île, lesquels ne sont pas si mal en fin de compte, quand on les regarde de loin, en dégustant du homard, assis dans l'herbe au soleil. Manhattan: le meilleur décor possible pour un pique-nique à Brooklyn.