Il s’était d’abord bu à l’abyssinienne, puis à la yéménite, ensuite à l’égyptienne, après à l’ottomane, à la javanaise, puis à la vénitienne, ensuite à la marseillaise, puis à la parisienne avant d’enjamber la mer des Ténèbres et de se boire à la martiniquaise. Cette dernière se répandit en Guadeloupe, à Saint-Domingue, à Cuba, au Brésil et dans le sud des États-Unis avant de gagner l’Asie pour se faire une place à côté de ce nectar impérial qu’est le thé.
Ô café, toi qui as accompli le tour du monde ! Onze siècles te furent nécessaires.
Nous nous débattons entre l’hier, l’aujourd’hui et le demain, acharnés à découper de l’impalpable, fomentant des projets, entrelaçant un infini de rêves qui, pour certains, affrontent l’obscur éclat des nuits qui n’ont pas de fin.
Ne point défaillir ! Car ce serait lâcheté. Trahison de soi-même...
- Janicot, dit-il en lui tendant les bras, je ne sais comment vous remercier.
Les deux hommes s'étreignirent mais le quartier-maître se dégagea dans l'instant, ses vêtements crasseux et déchirés par endroits risquant de tacher le bel uniforme de Gabriel-Mathieu.
- Capitaine, balbutia-t-il, j'ai fait grâce à vous le plus extraordinaire des voyages. C'est donc à moi de vous dire merci.
Au-dehors régnait un grand vacarme.
Je m'étais tout d'abord voulu planteur de tabac, ce que le langage des îles appelle pétun, et étais d'ailleurs devenu un fumeur impénitent, mais d'autres m'avaient précédé et il m'aurait été difficile de faire fortune dans ce commerce. J'avais alors jeté mon dévolu sur une autre plante : le caféier. Ce dernier, inconnu aux îles, y était de plus en plus apprécié, les Grands Blancs de la Martinique en achetant les cerises des mains des Espagnols qui eux-mêmes les importaient d'Afrique. Mais nul n'avait jamais eu l'idée de la planter car la canne à sucre suffisait à assurer la richesse des uns et des autres, y compris de ces "trente-six mois", ces marmiteux de nos régions de Vendée, du Poitou ou de la Normandie ....
Où il sera question des songeries, par-delà les siècles, d’un jeune Normand au temps du roi-Soleil ; où l’on évoquera sa déraisonnable passion pour ce breuvage plus noir qu’une nuit sans lune qui, depuis la terre d’Abyssinie, fit danser des chèvres, tint éveillés des moines savants, fit tournevirer les danseurs soufis, échauda les esprits épris de justice tant à Alexandrie qu’à Paris, soulageant au passage migraines et chagrins éternels.