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Dans cette oeuvrette (très actuelle), Monsieur Constant ne déguise point ses desseins, ardent défenseur du libéralisme et implacable pourfendeur de la tyrannie, toute sa logorrhée tend à démontrer par des sophismes et des assertions ne reposant sur rien, que la liberté, gardienne de l'indépendance individuelle, est « la destinée de l'espèce humaine »rien que ça. C'est que Constant a beaucoup lu, aussi bien Mably, que Condorcet ou Rousseau. Il a tiré de ses lectures la conclusion que son intérêt valait mieux qu'il préféra Condorcet à Rousseau, que dans le fond, sa propre personne valait mieux que celles des autres. Ce fieffé coquin qui n'aura eu de cesse de réclamer une place sous le directoire à laquelle il n'avait pas droit (car Suisse), qui ira jusqu'à envoyer à la guillotine sèche un notable importun, invite le contemporain à respecter la Loi, entendons par Loi, celle qui garantit la (et ses) propriété(s).

Ce n'est pas tant son parti pris qui choque, mais plutôt le fallacieux de ses arguments. Il prétend que les anciens, attachés à la liberté politique (une démocratie directe et donc chronophage) étaient privés de libertés individuelles car soumis à des normes plus strictes « la faculté de choisir son culte... aurait paru aux anciens un crime et un sacrilège » ; rien que ça. Mieux vaudrait donc zéro liberté politique contre la possibilité de choisir entre Bouddha et le christianisme. En somme mieux vaut avoir le droit de laisser la politique aux mains des propriétaires pourvu que l'on puisse prier son Dieu, sodomiser ses bêtes de somme, aduler Satan ou flétrir de sa verve impétueuse toute les religions dans une fièvre toute libertaire…

On aura compris, l'aïeul d'Attali, entend mener la vie dure à qui voudra remettre en cause la marche en avant du progrès. Rousseau et Mably ne sont pour lui que des arriérés encore tout pénétrés de juvéniles passions propres à ensemencer la tyrannie (Tyran étant le nom que portent indistinctement tous les ennemis de la glorieuse Liberté). de plus Rousseau est trop naïf de croire que la démocratie directe intéresse le peuple déjà tout occupé à ses désirs « tous veulent des jouissances » nous dit Notre Benjamin. Alors donnons-leur l'occasion de s'occuper de leurs bas désirs pourvu qu'ils laissent la politique à ceux qu'elle intéresse. le système représentatif est là pour cela, pour que vous jouissiez de vos sex-toys, du sport, de vos séries sponsorisées.
Aussi ce joyeux drille pour éviter que la farce soit complète, nous prévient-il qu'un système représentatif se doit d'être contrôlé ; il faut en plus de se gaver du dernier épisode de la série à la mode, vérifier que nos élus font bien ce pour quoi ils ont été élus, voilà là où réside la vertu du citoyen, lui que l'on a voué aux travaux forcés pour lui éviter d'avoir du temps pour comprendre et se mêler à la politique.

Voilà l'avenir de l'homme, « la destinée de l'espèce humaine » ; l'homme éternellement soumis à ses désirs a longtemps fait la guerre pour obtenir ce qu'il voulait avant de troquer la guerre pour le commerce « la guerre et le commerce ne sont que les deux moyens différents d'atteindre le même but » ; on est heureux d'apprendre que le commerce n'est qu'une guerre déguiser et que de facto nous vivons dans un état de guerre permanent, « le commerce est aujourd'hui l'état ordinaire, le but unique, la tendance universelle,la vie véritable des nations ». On comprendra dès lors mieux le poids financier et militaire de la Chine ou des Etats-Unis, promptes à guerroyer dès que leur commerce est affecté. Et ce commerce évidemment doit être libre car, paraphrasant presque Roland « l'intervention de l'autorité est toujours un dérangement et une gêne » ; il ne manquerait plus que soient instaurés des salaires minimum, des syndicats ! Constant et les libéraux imaginaient déjà la mondialisation fondée sur le commerce « le commerce a rapproché les nations et leur a donné des moeurs et des habitudes à peu près pareilles,…Les peuples sont compatriotes ». La guerre/le commerce, voilà ce qui unit le monde. C'est dans le texte.

On l'aura vu la liberté vu par Constant et nos libéraux patentés est une philosophie toute hédoniste, garante d'une guerre perpétuelle entre tous les acteurs sociaux. Liberté qui s'arrête là où commence l'empiétement de celle-ci. Et on aurait tort de s'y frotter. A ceux qui douteraient des bienfaits du libre-échange et de la démocratie représentative Constant nous livre une menace toute voilée : « Nous avons pour la défendre des moyens que les anciens n'avaient pas ». Constant taxait déjà Rousseau d'arriéré et on constate aujourd'hui que nos thuriféraires du libéralisme assimilent tous les anti-libéraux ou partisans d'une politique économique plus sociale à des utopistes (quand ils sont de gauche), des racistes, des fascistes, des ennemis du progrès ou pire des antisémites et autres apologues de la Corée du Nord (quand ils sont de Droite) qui tous voudraient une France rabougrie, repliée sur elle-même, refusant obstinément la mondialisation, cette oeuvre bienfaisante de la guerre/ commerce ! Il y aurait un monde en marche, factuel, émanant de lui-même, dont les inégalités seraient une composante accidentel, auxquelles toute intervention des Etats serait pire que le laisser faire. Appliquons doctement la maxime physiocrate de Turgot : « Laissez faire, laissez passer » voilà la logique libéral délivrée par Constant.




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