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Critique de 5Arabella


Le menteur a connu le succès, que Corneille a sans doute voulu prolonger en écrivant une suite un an après la première pièce. Probablement jouée pendant la saison 1644-45, comme Rodogune, la pièce connaît une première publication en septembre 1645. Mais sans rencontrer les faveurs du public. Elle sera reprise quelques années plus tard, d'après Corneille avec un accueil plus positif, néanmoins elle reste peu prisée et étudiée, et après cet échec, le dramaturge ne reviendra plus à la comédie.

Comme dans le menteur, Corneille s'est inspiré d'une pièce espagnole, cette fois vraiment écrite par Lope de Vega, Amar sin saber a quien (Aimer sans savoir qui). Une pièce passablement compliquée, avec les ingrédients habituels des comedias espagnoles, remplies de duels, de jeunes gens emprisonnés, de belles et mystérieuses inconnues, de portraits dont on tombe amoureux, de conversations amoureuses sous des balcons, de querelles d'honneur, et de valets ridicules. Mais à son habitude, il adapte tout cela à la mentalité française, faisant de ses héros des compatriotes, avec leurs us et coutumes, et leur rhétorique, en particulier amoureuse.

Dorante, notre jeune héros du Menteur, est en prison à Lyon. Il s'est sauvé avant le mariage qui devait l'unir à Lucrèce, il a quand même empoché la dot de la promise, ce qui lui a permis de partir en Italie, où il a pu se livrer à la galanterie. Il a été témoin d'un duel, voulant secourir le perdant, il a été pris pour le meurtrier et mis en prison. Dans laquelle son valet Cliton le retrouve. Il lui apprend que Lucrèce a épousé au final son père, mort assez rapidement après, et que l'épouse et des cousins ont efficacement pillé l'héritage dont il ne doit pas attendre grand-chose. Il est donc en fâcheuse posture. Mais Cléandre, le duelliste assassin qui s'est sauvé, veut l'aider, ce qu'il fait par l'entremise de sa soeur. Et bien évidemment, une intrigue amoureuse va se tisser entre Dorante et la soeur, Mélisse. Un peu compliquée par l'amour que Philiste, un ami de Dorante qui le fait sortir de prison, porte à Mélisse, mais à peine. En contrepoint comique, Cliton, le valet de Dorante joue une sorte d'histoire d'amour parodique avec Lyse, la femme de chambre de Mélisse.

La pièce est incontestablement bien construite, Corneille a élagué l'intrigue de la pièce d'origine pour en faire quelque chose de simple et d'efficace sur le plan dramatique. Mais elle est au final assez impersonnelle, elle ne ressemble pas tellement à ses premières pièces comiques, dont il a inventé la trame, ni même au Menteur. Dans ce dernier, le comique venait des mensonges du personnage principal, Dorante, dont une partie était complètement gratuite, pour la beauté de l'art, pourrait-on dire. Ici Dorante s'est assagi, il le dit d'emblée à Cliton, il ne ment plus. Ou tout au moins ses mensonges ne sont plus qu'utilitaires, et nobles, c'est pour sauver les autres qu'il prend des libertés avec la vérité. le personnage d'ailleurs est devenu un personnage d'un noble jeune homme, prêt à tout pour sauver un inconnu des conséquences de son duel, prêt à abandonner celle qu'il aime à son ami etc. Il n'est plus drôle du tout. Ce qui peut d'ailleurs en partie expliquer le manque du succès de la pièce : le public a pu se sentir floué, en retrouvant un personnage qu'il avait apprécié et qui l'avait fait rire, mais changé en quelqu'un d'autre, bien plus pâle et moins original.

Tout le poids du comique repose en fait sur le valet, Cliton, joué par Jodelet, le plus célèbre acteur comique de son temps. Dont une partie des effets nous échappent (il était sans doute enfariné, parlait du nez….) ce qui rend les choses moins drôles pour un spectateur d'aujourd'hui. Cela est bien dans l'esprit des comedias espagnoles, le valet est comique et les jeunes gens nobles généreux et chatouilleux sur les points d'honneur. Mais ça donne un aspect composite à la pièce, et la rapproche d'une certaine façon des tragi-comédies, qui à l'époque étaient en train de passer de mode en France.

Une curiosité à réserver aux grands amateurs de Corneille.
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