Il est dit en 4° de couverture qu'il s'agit du passage : "d'un petit village POLOP...à une grande ville ALGER..." donc les deux aspects du récit sont bien précisés. C'est vrai que le résumé insiste sur l'intégration mais il n'omet pas, me semble-t-il la vie dans le village.
Le livre ne traite PAS seulement de l'Algérie, ce n'est pas l'objet ni le sujet mais essaye de décrire une rupture de destinées, le contraste de vie entre deux univers opposés et distincts. Dans le livre qui suit, l'Algérie, et seulement l'Algérie, sera traité. Ou plutôt Alger et ses tourmentes (de 56 à 62).
Ainsi donc, nous avons l'Espagne avec la vie dans ce petit village de POLOP, l'évocation de la guerre, la misère, l'isolement, l'abandon et le désarroi. Puis la vie à ALGER. La 1° partie permet de comprendre la 2°, elle est indispensable pour cerner les personnages et leur identité.
Les citations pédantes (sur la guerre, l'école, l'émigration...) sont faites pour illustrer ou expliquer les conditions de vie objectives. Elles sont un contrepoint à l'émotion. C'est vrai qu'on aurait pu les supprimer mais cela ôtait de la densité, et du sens me semble-t-il, à la compréhension psychologique des personnages.
Pour ce qui est de l'Algérie, vivre dans une capitale n'est pas embrasser la totalité d'un pays, et encore moins le connaître, la guerre n'avait pas encore atteint cette capitale (les attentats, les bombes ne commencent qu'en 57). Ce qui intéresse cette famille, c'est la tranquillité et la douceur apparente de leur nouvelle vie, l'amélioration de leur quotidien, l'abondance réelle comparée à la misère de Polop. L'enfant voit Alger avec ses yeux d'enfant. Un univers perturbateur qui la ploie.
La frustration de la lectrice sur l'Algérie qu'elle ne retrouve pas, peut se comprendre. On est avant 56 et à Alger; or dans cette ville, il n'y avait rien de "spécifique", ni de "folklorique" pour des émigrés espagnols ne parlant pas la langue et vivant repliés dans leur communauté qui était forte. Ils étaient là pour bosser, point. On ne peut pas reprocher à un récit de décrire la vie d'un groupe. Et les émigrés vivaient avec les leurs, en communautés. Un peu comme le communautarisme qu'on dénonce actuellement en France.
Bien sûr que ce n'est pas le récit de la découverte, par un adulte, de l'exotisme d'un pays. C'est le récit, comme le souligne cette lectrice, d'un cheminement intérieur, d'un chemin de croix presque vers la reconnaissance et dirai-je la "rédemption" pour l'enfant ?
C'est le récit des contrastes, difficultés et ambigüités de toute vie qu'elle soit misérable ou opulente.
- alors que la ville est gigantesque, on vit enfermé dans un petit espace
- les moments chaleureux avec le père sont là mais aussi la tristesse, la frustration de son absence due au travail
- les sorties, le soleil, les rires, sont là mais aussi la solitude quotidienne de chacun face à ses propres défis.
Il ne s'agit pas non plus d'un rejet de l'enfant par la France. Ce n'est pas la France qui rejette l'enfant, c'est l'enfant qui se met "hors la France".
J'apprécie la sensiblité de la lectrice qui se laisse porter par une lecture presque hypnotique du récit et se réveille lors des citations non poétiques la renvoyant à des réalités froides et dures. Et je ne comprends pas sa conclusion. Si, à la fin du livre, elle a compris le pourquoi du comment, la trame et le déroulé, les soubassements et les intentions du récit, elle aurait dû être ravie ! Ce livre est comme un suspens ! L'énigme est dévoilée à la fin ! Comme dans un roman policier, cela la renvoie à une relecture avec les nouveaux éléments connus ! Bonheur !
Rosa Cortés
Auteure du livre "
La petite fille sous le platane"