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Citations sur La plupart ne reviendront pas (11)

Enfin la colonne fit une halte dans un autre village.
Les soldats envahirent les maisons, livrés à une quête frénétique de chaleur et de nourriture.
D'abord, nous envoyâmes un garçon russe chercher de l'eau, car, en dépit de la quantité de neige que nous avions avalée, nous étions torturés par la soif.
Puis nous demandâmes de quoi manger. Les civils nous indiquèrent un tonneau à moitié rempli de choux au vinaigre. Pour moi, c'était écoeurant.
Je m'efforçai d'en avaler un peu. Les Allemands qui étaient entrés avec nous en mangèrent avec voracité. Je vis aussi quelques-uns de nos soldats en remplir leurs calots et y plonger ensuite le visage avec avidité.
Cependant, qu'il faisait bon et chaud là-dedans !
Je m'étais assis paisiblement contre un mur, sur un amas de sacs vides ; je voulais me reposer le plus possible. A côté de moi se trouvait un sac rempli de farine de blé ; je commençai à en manger de petites poignées, qui collaient au palais.
Une lampe à huile répandait parmi nous sa lumière sereine.
Quelle douceur infinie ce serait que de pouvoir passer la nuit ici, délivrés de ces hantises qui nous harcelaient à chaque instant ! C'était trop beau pour pouvoir y songer, ne fût-ce qu'un instant.
Quelques femmes, fagotées comme d'habitude dans leur vêtements de coupe antique, nous regardaient immobiles et silencieuses, les mains sur le ventre. Plus que de la crainte, il y avait chez elles de la compassion à notre égard, car elles comprenaient nos souffrances.
Nous aussi les regardions sans animosité ; depuis longtemps, nous avions appris à distinguer le peuple russe des communistes, même si, harcelés par l'aveugle férocité allemande, tous les Russes, pour se défendre, avaient fait bloc autour de leur autorité constituée.
Nous connaissions surtout le caractère naturellement bon des habitants des petits villages de campagne que le communisme n'avait pas encore réellement atteints ; la bonté naturelle de ces pauvres femmes, résignées d'une résignation séculaire, qui se serraient dans le coin de la maison où étaient accrochées les icônes sacrées, leurs églises ayant étés affectées à des usages profanes.
Un caporal-chef allemand s'approcha de moi. Poliment, d'abord dans sa langue, puis dans un italien soigné et élégant, il me demanda de lui faire un peu de place pour qu'il pût s'assoir.
il était autrichien, me dit-il, et il avait passé quelques mois en Italie auprès de certains parents. Il m'offrit ce qu'il avait à manger : des croûtons de pain russe et des morceaux de biscuits italiens. Je refusai et nous échangeâmes quelques propos.
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Bellini et moi regardâmes en silence Zorzi qui s'éloignait : nous ne devions plus le revoir... Je voudrais que ces quelques mots, pauvres et insuffisants, soient un chant de mémoire : il était le meilleur de tous les hommes que j'ai rencontrés pendant ces dures années de guerre. Son âme était simple, ses pensées profondes; ses soldats l'aimaient beaucoup. Il était très courageux comme il sied à un homme vrai.
J'avais formé un vœu pour que tu reviennes.
Mais tu n'est jamais revenu
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Le mystère de la souffrance individuelle et collective laisse entrevoir, au-delà du silence apparent de Dieu dans un monde que la justice a déserté, une solidarité secrète, une sorte de réparation pour d'autres crimes que l'homme a commis. Il laisse pressentir un chemin de purification et d'espérance. Dans cette nuit de l'homme et de l'esprit brillent des lumières d'espoir : le dévouement silencieux de tant d'hommes ; l'attitude des vieux paysans et paysannes russes : accablés de souffrances par le pouvoir communiste d'abord, puis par les Allemands, ils ont encore suffisamment de foi en Dieu et en l'homme pour prodiguer généreusement des soins aux soldats "ennemis" atteints d'engelures.
Préface, François Livi
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Autour et un peu partout, les trous creusés par les obus de mortier. Ça et là, la pourriture. Des cadavres qui n'avaient plus forme humaine. Des soldats en haillons, gelés, qui se traînaient. Et juste un peu plus loin, les fossés de l'infirmerie d'où débordaient les monceaux de morts. Voilà ce qu'est la guerre!
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… Avant de terminer, je devais introduire ici une autre composante dans ce tableau, une composante réellement fort importante, sans doute la plus importante de toutes, qui constituerait le Quatrièmement : la façon dont Dieu récupère la souffrance des hommes, surtout des innocents, crucifiés à l'instar du Christ innocent ; cette souffrance n'est donc aucunement gaspillée. (Donc ces morts ne sont pas morts inutilement : te rends-tu compte à quel point cela est important ?)
Mais cette lettre est déjà bien trop longue.
Je développerai ces idées dans le roman auquel, comme tu le sais, je travaille de toutes mes forces depuis un certain temps. Il aura probablement pour titre " Les Chevaux de l'Apocalypse ". (À ce propos : est-ce que je me trompe ou bien est-ce que saint Jean, alors qu'il connaissait ses visions apocalyptiques, a ressenti, lui aussi, des impressions analogues aux nôtres, à cette époque-là ? J'ai l'impression que dans ses paroles, il en reste une trace évidente… Ou bien tu n'es pas d'accord ?)
Bien amicalement.
Eugenio, (le 30 octobre 1973).
Note 2 du chapitre XXX, p. 439 : " Une lettre à mon ami Giorgio Bruno Baresi "
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Ainsi dans la ville assiégée, le mal et le bien, la misère et la générosité se mêlaient sans cesse.
Le bien et la générosité étaient d'ailleurs bien peu de chose en regard de la misère. Nous essayions de trouver une parole de réconfort pour ceux qui souffraient le plus ; c'étaient des gouttes d'eau versées sur une immense étendue de sable : les grains de sable s'en apercevaient à peine.
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Eugenio Corti combat jusqu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale, apportant son concours à la libération de l'Italie de l'occupation nazie et fasciste, navré d'être l'allié indirect des bolcheviks, comme il avait été navré, auparavant, d'être l'allié de l'Allemagne nazie.
Préface, François Livi
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"La plupart ne reviendront pas" est un témoignage et un mémorial. Eugenio Corti veut arracher à l'oubli ces pans d'histoires individuelles et collectives ; à défaut de leur donner une sépulture, il veut perpétuer le souvenir de ses camarades disparus - il est dans ce livre des silhouettes inoubliables, telle celle de Zoilo Zorzi, le jeune officier vénitien qui prend congé avec élégances de ses camarades et de la vie ; il veut les sauver de cette autre forme de mort qu'est l'indifférence. Ne serait-ce qu'à ce titre, "La plupart ne reviendront pas" est un livre exceptionnel.
Préface, François Livi
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En d'autres occasions semblables, ce genre de statues m'avait fait réfléchir: parallèlement à la perte de Dieu, le triomphe du communisme sur le peuple russe avait entraîné la perte, qu'on eût dite complète, de sa sensibilité artistique, jadis si remarquable.
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En voyant tant d'apathie chez les soldats, la lourde insensibilité des Allemands qui, indifférents, nous regardaient travailler, en décelant une sorte d'impénétrable visage de sphinx dans tout ce qui nous entourait, mon esprit fut tout à coup envahi par les lentes volutes d'un doute horrible : et si ma vision de la réalité, en fonction de laquelle j'agissais et je m'agitais, n' était qu'un pur produit de l'imagination, dépourvu de sens?
Et ce monde lointain, l'Italie, tel que je me le rappelais, existait-il réellement?
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