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Critique de jlvlivres


« Les Enfants de l'Aurore » (2019, Fayard, 160 p.) de Marie Cosnay, avec une très belle couverture de Holus Pokus, qui représente trois hérons qui attendent, chacun sur un pieu. Très japonisant.

Le texte du quatrième de couverture n'aide pas beaucoup pour qui connait un peu la vie et les oeuvres de Marie Cosnay. « Ils sont trois, des gosses encore, parmi des milliers et des milliers d'autres qui ont pris la route ». Puis « Ils ont deux, Rhésos et Memnon, des gosses encore qui ont pris la route ». Achille a disparu (sous sa tente ?). Enfin, dans le livre, ils sont trois : Rhésos, Memnon et Xanthe. Bon, il y a des excuses. Marie Cosnay est professeur de lettres classiques, pas de mathématiques. Et de plus, ce n'est pas elle qui écrit le texte de la couverture ; Ce n'est pas son style, ce n'est pas si beau.
Le 4eme de couverture continue, ou plutôt se termine « L'Iliade comme vous ne l'avez jamais lue ». Deux façons de comprendre. Soit c'est « L'Illiade pour les nuls », ce qui n'est guère flatteur, ni pour les lecteurs, ni pour les aèdes (bien qu'il n'y ait plus de droits d'auteurs). Soit, encore, cela se veut promotionnel, mais c'est vendre des serviettes pour des torchons, ou Gustave Flaubert pour Joel Dicker. Ce qui est tout aussi préjudiciable pour Marie Cosnay.

Mais, bon il faut se faire une raison, le texte du livre vaut largement la couverture.
Retour à la tente d'Achille. « Chez Achille, il y a brebis, chèvres et sangliers à rôtir ». C'est Marie Cosnay qui raconte : « Achille accueille poliment ses hôtes, les nourrit, les écoute. Il leur refuse tout. Il leur dit non, un point c'est tout. ». Tout se passe « entre Achille qui boude et l'enfant Rhésos que personne n'a encore vu mais qui ne va pas tarder ».
Drôle d'histoire, quasi d'un ménage à trois, entre Achille, Patrocle et Briséis, la belle esclave que Agamemnon lui a enlevée. Bien entendu, il reste Patrocle, avec qui Achille a été élevé. Tous deux ensemble, par le centaure Chiron et le sage Nestor qui les persuade d'aller à la guerre, reconquérir Troie. Patrocle et Achille. Il faut lire le superbe « le Chant d'Achille » de Madeline Miller traduit par Christine Auché (2014, Rue Fromentin, 400 p.) qui reprend la jeunesse de Patrocle et d'Achille, leur début au siège de Troie. Loin d'être le guerrier que l'on décrit le plus souvent « Je suis le bouillant Achille, / bouillant Achille, bouillant Achille,/ le grand Myrmidon, / le Myr, le Myrmidon ». On y découvre le jeune Achille qui s'entraine aux sports et à la lutte avec son ami Patrocle. Amitié ? ou plus que ? Et survient la reine Briséis, dont Homère dit qu'elle avait de belles joues et qui est ensuite décrite comme une « femme à la blonde chevelure et au beau corps ». Survient aussi Agamemnon « le Roi barbu qui s'avance, / bu qui s'avance, bu qui s'avance, / C'est Agamemnon ! / Aga, Agamemnon » tout puissant. « J'en ai dit assez, je pense, en disant mon nom. » qui s'empare de Briséis. D'où la bouderie d'Achille.
Un véritable ménage à trois, sous la tente d'Achille. Les illustrations que l'on en a, tout au moins celles d'Agostino Carracci la montre collaborant avec Achille lors de exercices musculatoires. Bon c'est dans l'Arétin, pour les amateurs d'entrainement gymnastique. Je n'ose imaginer ce qu'auraient donné un statuaire, comme celui de Khajuraho en Inde, décrivant la jeunesse de Patrocle, Achille et Chiron.

C'est d'ailleurs souvent que l'on a affaire à des trios dans le livre de Marie Cosnay. Les trois enfants que sont Achille, Rhésos et Memnon. Les trois espions qui se croisent, Dolon, Ulysse et Diomède, tous camouflés en loup, taureau et sanglier. Mais il n'y a qu'un héron que le groupe fait envoler. Ils étaient trois sur la couverture. Plus loin, au chapitre de Rhésos, il y aura l'oiseau noir dont le « Bailly » ne donne pas le nom, malgré ses trois kilos et ses 2200 pages. C'est à lui que l'on voit que le grec est plus riche que le latin, lui qui surpasse le « Gaffiot » de 400 pages et 5 kilos. le choc des photos et le poids des dicos.

Que dire de Memnon, l'enfant-roi, venu de la lointaine Ethiopie avec Eschyle, pour renforcer le camp de Priam, son tonton assiégé. Il a laissé à Thèbes ses deux colosses, dont celui du Sud, qui chante aux premiers rayons du soleil. Véritable cri de la statue pour saluer l'Aurore (Eos), la mère de Memnon qui pleure la mort de son fils.

Et de Rhésos, descendu des pentes du Mont Ida, tout proche. Mais comment a-t-il fait, tout comme Memnon, pour arriver la dernière année, la dixième, de la longue guerre de Troie. Surtout avec ses deux chevaux blancs, les cavales, que Achille va lui prendre, comme sa vie, et celle de ses douze gardes, pratiquement le jour de son arrivée. C'était bien la peine de se vanter de terminer la guerre de dix ans en un jour, à moins que cela ne soit que de l'auto-oracle.

C'est aussi une conclusion du livre, non pas de savoir comment se termine la guerre de Troie, Homère et Virgile l'ont déjà écrit et chanté. Mais tout est rêglé d'avance, les Dieux ont décidé entre eux des règles à venir. Les demi-dieux ou déesses n'ont que leurs yeux ou les larmes de leur fleuve pour pleurer. Achille n'a même pas pu aller y faire boire ses deux cavales blanches dans le Scamandre.
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