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J.LAISNE (01/01/1841)
5/5   1 notes
Résumé :
I - Du célibataire en général
II - Signalement du célibataire
III - le célibataire provisoire
IV - Réponse à une théorie
V - Le pseudo conquérant
VI - Une autre espèce de divertissement
VII - De plus fort en plus fort
VIII - Le second mari
IX - Question de budget
X - Nouvel atout que reçoit le célibataire
XI - Autres atouts
XII - Chapitre qui deviendra peut-être une fleur, car il est t... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Bien étrange spécimen que le célibataire, une bizarrerie contre-nature, une exception du règne animal :
« Dans la république des moineaux, souffrirait-on qu'un friquet rebelle et indocile déclinât toutes les charges de la vie commune ? Qu'il ne prit pas une compagne ? Qu'il ne se construisit pas un nid au printemps ? Qu'il ne multipliât pas honnêtement son espèce ? Qu'il n'allât pas chercher pour ses petits la nourriture de chaque jour ? Qu'il courtisât les femelles de ses voisins et amis, et qu'il mêlât à leur couvée un oeuf adultère et coupable ? Non, sans doute…
Le peuple entier des moineaux ferait justice de ce misérable, de cet égoïste, et lui apprendrait bientôt à respecter les lois de la société, de la propriété et de l'union des sexes ! »

Le célibataire ne se signale et se suspecte qu'à partir de l'âge de 40 ans : « Jusque-là on est encore tous les jours exposé à se marier, du moins on en nourrit la pensée »
Mais qu'importe qu'il soit montré du doigt, pourvu qu'il jouisse pleinement de ses libres et multiples conquêtes amoureuses…
Le 19ème siècle ressemble cependant à cette « république des moineaux » dont l'auteur parle, qui châtierait le moineau célibataire et marginal s'il existait. Sa liberté est factice, sauf à se marginaliser entièrement.
Aussi, l'incompréhension et la méfiance plane autour du célibataire dans les salons : « il lui est défendu de s'approcher des demoiselles à marier : sa seule présence effaroucherait les mères. Voilà déjà une ressource qui lui manque pour tous les petits manèges de la galanterie et de la passion. Mais il ne trouve pas un accueil plus favorable auprès des femmes mariées : toutes l'évitent et le fuient.
Elles savent qu'un entretient de 5 minutes seulement avec lui pourrait donner naissance à de fâcheux propos sur leur compte.
Son souffle attire la peste de la médisance ; son voisinage est contagieux. »

Le voilà donc exclu, bon à errer vers quelques contrées désertiques du globe… Un physique gracieux, de bonnes rentes et une conversation avec une femme mariée un peu légère n'y changeraient rien : elle préfèrera toujours, pour sa sécurité, tromper son mari avec un autre époux, car l'un et l'autre ont les mêmes intérêts à conserver leur secret.

En consolation de cette sévère exclusion, il se réconforte durant sa promenade, trompe le monde en prêtant le bras à quelques filles perdues, lorettes ou grisettes, qui sont enchantées elles aussi de jouer aux femmes convenables « Elles aiment à prouver aux femmes honnêtes qu'elles peuvent encore trouver un homme présentable et qui s'affiche pour elles »

Au sein des familles bourgeoises et autres, l'âge critique est de 30 ans pour se marier, au-delà, l'enfant devient une anomalie : « une espèce de fou qui a besoin d'être surveillé, dirigé, conduit. On ne lui épargne ni les remontrances, ni les conseils ».
Il sera traité en « mioche » par sa famille et sera la proie, dans les salons à « ces vieilles femmes qui n'ont plus rien à faire dans la société, et qui, pour passer le temps, s'occupent à marier tout le monde »
On lui présente tout ce qui passe sous la main, en priorité le bas de l'étagère « Une veuve qui arrive de province, et qui a 7.000 Livres de rentes dans son endroit. « voilà la femme qu'il vous faut » lui crie-t-on de toutes parts. - Il recule épouvanté, se tire fort mal de ce mauvais pas, et ne revient pas le lendemain dans la maison - on le tient pour un homme inconvenant, grossier, mal élevé ; et, grâce au bavardage des vieilles femmes, beaucoup de salons se ferment pour lui. »
Epuisé de ce harcèlement matrimonial, il dira « oui », à la manière d'un suspect interrogé et torturé qui consent contre son gré un aveu : « le célibataire n'en finira avec elle que le jour où il consentira à se sacrifier. Et alors, au lieu d'épouser une fille jolie, riche et spirituelle, comme il aurait pu le faire autrefois, lorsqu'il n'était pas encore brûlé dans les familles, il sera réduit à s'unir à quelque coureuse d'aventures, femmes de lettres ou veuve de la grande armée, bien tannée, bien ridée, faiblement pourvue d'argent, qui l'aura adroitement conduit dans le piège »

Les rares fois où le célibataire parviendra à séduire une femme mariée, il en sera un second mari, le pire des deux, le plus à plaindre :
« c'est lui qui a toutes les charges, tous les ennuis de l'état, tandis que co-tenant ne moissonne que des fleurs.
Le numéro 1 a toujours devant les yeux une figure agréable et souriante, on le choie, on le caresse, feint de l'aimer - on craint tant qu'il ne s'aperçoive de quelque chose !
Mais les mauvaises humeurs sont réservées pour le numéro 2, c'est sur lui qu'elles éclatent, c'est sur lui qu'on se venge d'une trop longue contrainte, c'est à lui que sont réservées les chicanes et les querelles, c'est lui qui porte le poids des vapeurs et des attaques de nerfs »

Quoi qu'il fasse, où qu'il soit, le célibataire sera toujours suspect. le lieu de travail n'échappe pas à la règle. le voisin flâneur du célibataire qui rêvasse, travaille 4 fois moins au vu et au su de tous, est mieux rémunéré. Ceci s'explique car il est marié, que son épouse soutient habilement sa position lors des dîners et autres soirées avec le directeur qu'ils fréquentent régulièrement.
Le célibataire lui, ne peut jamais saisir la chance de faire fructifier ces passes-droit car « la porte des salons n'est qu'entre-baillée pour eux, et il faut des occasions solennelles pour qu'on les admettent dans l'intérieur des familles. » Encore cela de perdu !

L'économie ne figure pas même au nombre des avantages du célibataire. Une maîtresse coûte plus que 5 ou 6 femmes légitimes « une mère n'a-t-elle pas toujours devant les yeux l'avenir de ses enfants ? Et n'est-ce point là une excellente et continuelle invitation à l'ordre et à l'épargne ? La lorette, au contraire, n'a aucun intérêt d'avenir à ménager. Elle dépense l'argent à mesure qu'il lui vient, et, comme elle le dépense vite, il lui en faut toujours d'autre »

Le pire reste à venir … Les vieux jours. Il ne souffre pas que d'une amère solitude, il est siphonné par des intentions malveillantes dès qu'il devient fébrile : « Il n'est entouré que de gens indifférents qui guettent son héritage et lui font mauvaise mine quand il ne meurt pas assez vite » pas même une chaleureuse domestique qui adoucirait ses derniers moments : « Le malheureux n'a plus de volonté à lui ; il est malade, impotent, cloué dans son fauteuil, et il a tant besoin d'une assistance continuelle ! Cette assistance, on la lui fait payer au prix d'une renonciation absolue à son libre arbitre. On l'isole des parents qu'il peut avoir encore ; on ne lui laisse voir personne, pas même ses anciens amis, s'il a pu en conserver ; on le met en état de siège ; on trace autour de lui un cercle dans lequel personne ne peut entrer et d'où il ne peut lui-même sortir. »
« On ne le sert qu'avec répugnance, et on ne s'approche de lui qu'avec dégoût. On lui dicte son testament, et il n'ose pas résister ! S'il allait être abandonné par le seul être vivant qui soit encore auprès de lui, que deviendrait-il ? Quel malheur ! »

Les vautours s'acharnent autour du célibataire avant même qu'il ne soit cadavre : « Voyez… dans cet appartement sombre et froid toutes ces armoires ouvertes, tous ces tiroirs mis au pillage, toutes ces hardes et toute cette argenterie étendus sur le plancher ! … on en est déjà au sac de la maison mortuaire… La gouvernante, trois ou quatre misérables de sa famille, portiers, claqueurs ou marchands de contremarques, sont là qui fouillent dans tous les coins avec leurs doigts crochus, qui sondent les murailles, qui font des paquets et les expédients au dehors »

La vieille célibataire souffre moins de solitude, sa manie du commérage la pousse à rechercher d'autres vieilles isolées :
« Cette médisance est, à vrai dire le seul plaisir réel de la vieille fille ; aussi s'y livre-t-elle avec une ardeur frénétique. Elle recherche à cet effet les conciliabules de ses semblables ; elle y prend siège depuis le matin jusqu'au soir… »
Si elle ne médit pas, elle ne survit pas, aussi elle déménage là où elle peut puiser cette unique source d'énergie maléfique, quitte à baisser son cadre de vie :
« Il arrive souvent qu'une vieille fille riche, et qui pourrait vivre avec aisance dans son hôtel, s'y trouve trop à l'étroit parce qu'elle ne rencontre pas assez d'occasions de faire un poignard de sa langue. Alors elle recherche la société d'autres sorcières de Macbeth. Elle va enfouir ses vingt mille livres de rentes et sa méchanceté dans quelque pension bourgeoise où l'on ne voit que des vielles filles, c'est à dire l'enfer.
Là, ces sorcières commencent par désoler la maison et en faire fuir tout ce qui est jeune et respectable ; puis elles entreprennent la rue, puis elles étendent leur maligne influence sur le quartier ; puis la ville tout entière y passerait, si la mort leur en donnait le temps. »

Rien n'y personne ne pourrait ramener quelque étincelle de gaieté en ce coeur desséché, si l'on suppose qu'elle ait encore un coeur :
« On s'aperçoit tout d'abord que la vieille fille est privée de cette faculté d'aimer qui porte à l'affection et à la sympathie. Elle est au milieu de la société, comme l'obélisque de Luxor au milieu de la place de la Concorde. Elle ne se rattache à rien, et rien ne se rattache à elle.
Toutes les fois qu'elle voit s'avancer une femme entourée, elle a mal aux nerfs. Les caresses d'époux à épouse, de mère à enfants, la blessent et la fatiguent. Toutes fois les qu'il y a autour d'elle de l'amour et de l'affection dans l'air, elle est malade. Il lui faut une atmosphère sans énergie et sans chaleur. »

La perpétuelle expiation du célibataire ne s'arrête pas à sa mort, sa tombe est encore disgracié et humilié. On reconnait à première vue la tombe d'un célibataire « Voyez cette tombe froide, nue ,isolée auprès de laquelle personne ne s'arrête, sur laquelle les ronces s'entrelacent, qui est souillée de boue et mutilée, là point de fleurs, point d'épouse, point d'enfants, point d'amis, point de larmes ! C'est la tombe du célibataire. »

Misérable célibataire du 19ème… Il lui suffisait seulement de faire comme tout le monde ! Se marier pour se doter d'une aura de confiance !
Physiologie plus morale que d'autres, elle est d'une rare cruauté ; le sarcasme appuie, juge, enfonce ; la nuance ennuierait l'auteur qui préfère bombarder le célibataire tout le long, mais il y a beaucoup d'esprit encore derrière cette tyrannie drolatique anti-célibataire.
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