Citations sur Lady R. (2)
A la cour d’Aliénor, j’avais pu croiser nombre de personnages de qualité, princes, ducs ou poètes. Cependant, aucun d’entre eux ne m’avait dévisagée comme le faisait Safir. Pour une femme, il est toujours agréable de se sentir adulée, vénérée telle une icône ou une divinité. Je ne crois pas qu’il s’agisse là de vanité de ma part – je ne me suis jamais prise pour une déesse. Simplement, ce que le regard de Safir exprimait à cet instant, cette pure extase à la simple considération de ma personne, me flattait agréablement. Je souhaite à toutes les femmes de connaître un jour ce ravissement si singulier, celui d’être, pour un homme, ce qu’il y a de plus important en ce bas monde.
Toutes ces révélations sur son passé la submergeaient. Avant l’expédition à la commanderie, elle avait des certitudes, une foi inébranlable dans sa mission : veiller sur le trône d’Angleterre, servir fièrement son pays, mourir pour lui si besoin. Puis tout s’était peu à peu fissuré, d’abord avec la trahison de Wilhiam, ensuite avec ses histoires de famille. Elle redécouvrait une sœur qui voulait la tuer, des parents qu’elle idéalisait, mais qui avaient également leur part d’ombre. Tout s’effondrait autour d’elle. Elle ne savait même plus si elle pouvait faire confiance à ses supérieurs. Elle en venait même parfois à doute de Caméléon, le seul et unique ami qu’il lui restait. Certes, un agent secret apprenait à se méfier de tout le monde, mais il ne doutait jamais. Or ce sentiment s’était instillé en elle comme un venin insidieux, et elle ne parvenait plus à le déloger.