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EAN : 9782916579672
Yoran Embanner (15/04/2014)
5/5   1 notes
Résumé :
Un cht'i raconte comment il est tombé amoureux de la Bretagne...au point d'y commettre des attentats !
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Drôle  d'exercice que celui-ci, chroniquer le livre confession d'un copain.
Par quel bout le prendre (le livre !).
Déjà, dans quel état suis-je avant même de l'ouvrir, cet ouvrage ?
Pas comme d'habitude devant un livre nouveau, c'est certain.
L'objet n'est pas ordinaire, pour moi.
Je ne veux pas être déçu, encore moins décevoir de l'avoir été.
 
On se connaît peu avec Alain, certes, mais on se connaît quand même pour mener hebdomadairement une activité de loisir commune qui suppose une réelle proximité.
 
De surcroît (et surtout de vive voix) il m'a déjà dressé rapidement ce que les pages que je vais tourner vont me raconter. Comme par le biais d'une bande annonce, j'ai bien compris que je vais être surpris…
 
Et je sais déjà, puisqu'écrites à la première personne du singulier, que c'est sa voix, calme et pondérée, qui va me lire les lignes qui vont défiler sous mes yeux.
J'ai aussi compris que calme et pondération ne feront pas beaucoup partie du récit qui est réellement autobiographique.
 
J'y vais…
 
Ouverture en fanfare, plongeon dans le grand bain : le crépuscule des années 70. Nous ne sommes pas sous les boules à facettes mais sous les lustres de…la Cour de Sûreté de l'État et il va être question d'attentats terroristes, d'explosions, de destructions d'édifices publics, d'armes à feu, de prisons, de procès…
Bref, un sacré retour en arrière pour moi, qui, trop jeune au milieu des années 70 pour ingérer la dimension politique du propos, suis passé un peu à côté du mouvement du Front de Libération de la Bretagne (le FLB), d'autant que je ne me retrouvais pas dans ces mouvances régionalistes, autonomistes ou indépendantistes que je prenais pour un repli sur soi alors que le monde me semblait si grand à découvrir.
Lorientais, je me sentais plus français que breton, racines que je ne reniais pas mais qui ne me semblaient pas être essentielles. Je rêvais plutôt d'émancipation que d'ancrage local.
 
J'ai toujours ce même avis aujourd'hui même si j'aime énormément ma région. La langue bretonne m'est restée charabia et le biniou me vrille les oreilles. J'exècre également ces panneaux de signalisation surchargés ‘en deux langues' qui me chagrinent tant sur le bord des routes. Nous sommes en France.
 
De fait, cela m'intéresse d'autant plus de me plonger dans les arcanes d'un milieu qui m'est totalement étranger, petit garçon sage que j'ai toujours été.
 
Mais avant le tribunal, retour aux sources de l'engagement qui nous ramène jusqu'à…l'enfance.
Zoom arrière… Moteur !
 
Il a 9 ans, Alain, nous sommes en juillet 1960, et c'est un petit gamin habitant à Arras (oui, Arras, Pas-de-Calais) qui découvre la Bretagne que son père lui a magnifiée pour y avoir vécu ses jolies colonies de vacances et ses premiers émois amoureux.
 
C'est un pèlerinage familial, en fait, le rêve d'un père qui veut que sa famille connaisse le lieu de son éblouissement !
 
Je l'imagine, lui, gamin, un peu comme le petit garçon du film ‘le grand chemin', les yeux écarquillés en descendant du car vintage sur la place baignée de soleil du petit village breton (si, c'est possible !!).
 
J'ai à peine commencé que déjà le style me ferre. Comme la place l'est de soleil, son verbe est baigné de nostalgie lumineuse.
Je vis la découverte qui est la sienne et partage avec lui l'enthousiasme qu'il partageait alors avec son père à la rencontre des paysages, des ambiances olfactives et des gens revenus pour quelques instants de ces années 60 à jamais révolues (Ah Marie et sa bigote, Ange, le couvreur au toit qui fuit, il sont La poésie!!!).
 
Le lire me fait également remonter des souvenirs un peu plus tardifs (le sol en terre battue, une grand-mère qui ne s'exprime qu'en Breton (sauf avec moi ou elle s'aventure un peu vers le français), une journée de moissons en…chemise blanche de villotin et les odeurs, les odeurs de vaches ou de chèvres…)
 
Il y a tant d'humanité et de poésie dans ce regard de bambin émerveillé devant les majestueuses ruines du château de Suscinio que j'y plonge en toute sécurité (et pourtant…)!
 
Lui aussi y aura sa révélation :
Quand il s'ra grand, il s'ra Breton.
 
Il sera grand, bientôt, après les expériences qui forgent la jeunesse dont il nous fait profiter, périples divers, en stop où à vélo, en groupe ou en solitaire, puis, après un premier engagement professionnel en tant qu'éducateur et un service militaire qui lui permettent de constater des fonctionnements pour le moins déroutants dans la nature humaine.
 
Il sera grand, bientôt, et Breton aussi quand il rencontrera Delphine, à Rennes, épousée seulement deux semaines après la première rencontre. Et avec eux, par procuration, je vis cette utopie bucolique des années 70 dont la bande son était ‘dominée' par le Forestier ou Caradec.
 
Seulement, si dans les premiers temps, la vie avec Delphine se chante sur les accords de la fameuse maison bleue (un vieux car marron sur parpaings en l'occurrence), la mélodie va changer de tempo et s'électrifier pour évoquer des chants plus révolutionnaires quand les activités illicites du beau-frère viendront interférer sur le romantisme ambiant. Nous sommes en 77/78.
 
Et là, la force du récit va résider dans une franchise absolue quand la vérité toute nue (mais pudique) viendra me murmurer à l'oreille que si je m'imaginais partir vers des aventures à la ‘Robin des bois', il me fallait revoir mes espérances à la baisse et lorgner plutôt du côté ‘des pieds nickelés' (sans vouloir être désobligeant !)
Il y a des tracs explosifs, des explosifs explosifs (à la tonne), des détonateurs détonants et de la mèche (pas que de cheveux) bien sûr !
Mais la production n'est pas du niveau des James Bond qui remplissent déjà les cinémas internationaux. Pas d'Aston Martin rutilante et ronflante ici pour se rendre nuitamment sur le lieu de la mission mais un solex poussif et une mobylette décatie pour aller faire sauter le centre de télécommunications de Rennes et son fourgon attenant (bourré d'électronique dernier cri !)
C'est le FLB, pas le MI6.
Le renseignement s'avère vraiment singulier !
 
Il y a de la naïveté pure dans son acception la plus noble !
 
J'ADORE !!!
 
Seulement derrière cet amateurisme évident se profilent des noms inquiétants : ‘la Santé', ‘Fleury-Mérogis', ‘Fresnes'…
On ne rigole plus (rigolait-on seulement ?).
On va changé de registre !
On ne parle plus uniquement de faire sauter des bâtiments administratifs isolés, appartenant aux télécoms ou de la DDE voir à la SHELL, on parle maintenant de la préfecture de région située en plein coeur de Rennes et bientôt…du château de Versailles (le 26 juillet 1978) !!!
 
Le symbole est devenu trop fort, les moyens sûrement décuplés aussi, cela a assez duré, l'ordre se doit d'être rétabli. On change de régime.
Vendredi 30 juin 1978
Arrestation, fourgon cellulaire, garde à vue, emprisonnement !
Les grilles viennent de se refermer !
La première moitié du livre est tournée !
 
La seconde : le journal d'un prisonnier.
 
Le romanesque va se tarir, les chapitres qui se succèdent me relate le concret, le quotidien carcéral.
Tout y est !
 S'enchaînent enfermement, transferts, interrogatoires, revendications, brimades, vexations, parloirs et grèves de la faim.
Il y a des rencontres, aussi, humaines, amicales ou parfois effrayantes.
Un autre monde (dont je n'ai pas rêvé !) que le cinéma m'a souvent montré mais que je ne m'imaginais pas voir un jour raconté par quelqu'un que je connais !
 
Puis vient le procès.
Nous sommes le 17 septembre 1979.
17 prévenus dans le box des accusés pour des actions diverses, plus ou moins considérées graves.
Je sens l'angoisse monter à l'attente d'un verdict qui sera finalement lourd, mais moins cependant que les réquisitions de l'avocat général.
 
Je retiendrai :
-une aventure humaine hors du commun ou un engrenage peu inquiétant au départ finit par bousculer la vie d'une famille ordinaire toute entière ;
-Une passion paternelle partagée intimement ;
-De puissants souvenirs d'enfance aux contours poétiques ;
-Une histoire d'amour digne des plus grands romans au souffle épique ;
-Un jeu avec le feu qui finit par bruler les doigts mais qui, toujours, a été envisagé pour ne toucher que des biens matériels ;
-Une introspection rétrospective aux détails sidérants, mais quelle mémoire !!
 
Une vie ou une tranche de vie racontée en toute sincérité, sans esbroufe et sans gloriole, les souvenirs et les faits y étant exposés en toute lucidité sans chercher à leur donner un lustre qui n'avait pas été ressenti à l'origine.
Un beau travail sur soi, le désir de comprendre son parcours sûrement  d'en faire le bilan et de laisser son témoignage brut et sans fioritures d'un combat qui restera symptomatique des années 70.
 
Un beau moment de lecture
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