Londres après minuit

Les enquêtes ne tendent plus un filet mais une grande toile d'araignée cybernétique. Tôt ou tard, un événement, une personne ou un acte passeront deux fois par le même endroit et on n'aura pas alors une piste, mais un fait. Les pistes, les pressentiments appartiennent au passé, on est dans le temps de l'information...

Lon Chaney pouvait devenir tous les hommes possibles sans la moindre difficulté. Il était surprenant de le voir entrer dans sa loge comme n'importe quel être humain, puis en ressortir transformé en monstre, en estropié ou en assassin impitoyable car il pouvait se déguiser en n'importe quoi.

On n’imagine pas ce qu’un être humain peut faire à un autre par amour ou haine

Celui qui se rend maître de l’esprit se rend maître de tout.

Au Mexique, personne n’a rien vu, mais tout le monde sait de qui il s’agit.

Au Mexique, le danger était relatif – tous les gens du Bureau et des cercles politiques des États-Unis savent que, dans ces pays, les présidents détiennent un pouvoir absolu – et les personnes impliquées optèrent pour la solution de facilité : elles provoquèrent un incendie qui détruisit les installations, les bureaux et toute la documentation existante. Pour éviter un scandale encore plus retentissant, elles déposeraient la totalité des films dans une cave conçue pour les recevoir, toutefois, suite à une erreur de coordination et à la non-intervention de divers employés, la section de cinéma muet fut oubliée et aucun de ces films ne fut sauvé. C’est ainsi que se terminait la piste mexicaine.

On n’imagine pas ce qu’un être humain peut faire à un autre par amour ou haine

Quand une personne change de place aussi aisément, ce n’est que pour deux raisons : soit elle poursuit quelque chose soit elle est poursuivie.

Forrest Ackerman vivait pour les monstres et certains d’entre eux, les plus légendaires, survivaient grâce à lui. Le jour où il sollicita mes services, il donnait l’impression de ne pas avoir de temps à perdre. Bien qu’âgé de quatre-vingt-onze ans, il n’arrêtait pas de consulter des documents tout en parlant au téléphone, prenait des notes et essayait d’écraser une fourmi qui se promenait sur le bord de son bureau. Dans son dos s’empilaient des tours de DVD, de beta vidéo-cassettes et de VHS, de films super 8 ou 16 mm et de boîtes en fer-blanc dans lesquelles il rangeait des négatifs. Chaque centimètre de mur était recouvert de photos où des dinosaures, des extraterrestres et d’autres êtres étranges l’étreignaient et saluaient avec enthousiasme l’appareil. Les rayonnages, bourrés de livres, menaçaient à tout moment de s’écrouler tandis que trois meubles pour archives qu’il était impossible de fermer semblaient prêts à cracher de leurs entrailles des centaines de documents : si les monstres logés dans son bureau ne l’avalaient pas, ce seraient sans doute ces montagnes de papier qui le feraient. Son bureau avait beau être chaotique, dès qu’il avait besoin d’un document, il le retrouvait aussitôt. L’homme qui était devant moi évoluait dans ces lieux comme un créateur dans son univers.

Je suis sans doute la seule personne vivante à avoir vu le film, dit-il. Ma mémoire, ajouta-t-il en portant un index à son front, se désintègre lentement comme le nitrate du film. Londres après minuit est le Saint-Graal du septième art, le rêve des collectionneurs, des chercheurs et de cet enfant de onze ans. Je vous offre la possibilité de résoudre l’un des plus grands mystères de l’histoire du cinéma. Votre mission, si vous l’acceptez, sera de retrouver Londres après minuit pour que je le voie.