Londres après minuit

Si partager un secret est une chose, partager une atrocité équivaut à être contaminé par un cauchemar.

Posséder quelque chose de singulier nous rend unique, différent du reste des mortels, particulier, et personne, croyez-moi, personne ne veut redevenir ordinaire dans un monde comme celui-ci.

Certains collectionneurs ont des désirs et des impulsions excessifs envers certaines pièces, surtout si elles sont uniques. Posséder une chose unique, qui ne peut être reproduite, peut changer, il est vrai, plus d’un être humain. Mais le cinéma, c’est différent, il peut y avoir plusieurs copies d’un seul objet, ce qui mine, irrite, consume un collectionneur.

Il est évident que la nostalgie améliore tout : les souvenirs, les regrets et même le goût des rafraîchissements.

Ces trente dernières années, nous avons trouvé des pistes importantes mais qui n’ont abouti à rien. Mon enquête était méthodique, presque scientifique dans la mesure du possible, et bien que je reconnaisse qu’il y a, même au sein de la science, une place pour le hasard, la chance ou les pommes de Newton, mes efforts ont échoué.

De tous les films tournés du temps du cinéma muet, il n’en reste que moins de quinze pour cent. Ne s’agit-il pas d’une perte aussi importante que celle de la bibliothèque d’Alexandrie ? Alfred Hitchcock, Laurel et Hardy, von Stroheim, Griffith, Eisenstein : pratiquement aucune grande star n’a échappé à la destruction totale ou partielle de son œuvre.

Pour la première fois, sa voix ne semblait ni autoritaire ni didactique, mais étrangement aimable. Je l’observai sans rien dire. J’étais techniquement devant mon premier client.

Eh bien, monsieur McKenzie, je me déclare coupable de tout. Nous sommes des pièces d’un grand puzzle que le destin rassemble de façon mystérieuse, dit Ackerman.

On m’accuse d’avoir porté au pinacle 5,692 pieds de pellicule nitrate. D’en avoir fait, par le biais de mon magazine Famous Monsters of Filmland, le Necronomicon actuel. D’avoir poussé des centaines d’adolescents qui se prenaient pour des chevaliers du Moyen Âge et pourchassaient des dragons et des licornes à s’enfuir de leurs maisons pour rechercher, animés par davantage de foi que d’esprit scientifique, ces sept bobines qui, comme le furent un temps les manuscrits sacrés de la mer Morte, sont cachées dans quelque sous-sol moisi ou protégées par des chauves-souris dans un grenier plein de toiles d’araignées en attendant d’être retrouvées.

— Je vais vous raconter une histoire qui a commencé il y a soixante-dix-neuf ans, j’avais à peine onze ans et vous, vous n’étiez pas encore né : les étranges événements qui ont entouré Londres après minuit, le film le plus recherché de l’histoire du cinéma.