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Critique de Floyd2408


Une épopée moderne dans une société de clivage et de domination de l'argent. le Mexique trône en pays harcelé par le cartel, par cette carte postale de vacances et ses habitants tiraillé par l'intégrité et la facilité de l'argent, celui de la drogue et ce cartel qui de sa toile d'araignée corrompt tout le monde dans toutes les couches sociales. Jeanine Cummins avec ce roman de plus de 500 pages, nous entraine dans les profondeurs perverses de l'être humain à travers cette chevauchée tumultueuse de ces deux héros malgré eux, une mexicaine Libraire de 38 ans et son enfant de huit ans, happés par la férocité de leur pays gangréné par les gangs, appelés cartels, Lydia et Luca s'échappent de cet enfer, laissant derrière eux 16 morts tués par le Cartel, ancre le roman dès les premières pages dans celui de la vérité de la mort qui rode , présente, et celle que nous sommes insignifiant face à cette société où l'homme est un loup pour l'homme!
American Dirt ce titre « saleté américaine » dans sa traduction est un isthme vers une Amérique eldorado qui derrière son drapeau trône une façade d'illusion que Jeanine Cummins démasque avec beaucoup d'émotions, avec cette traversé dramatique de ces migrants, qui au fil du roman s'agrandit tel un fleuve avec ces rivières comme affluent, d'Acapulco à « al norte », 4260 kilomètres de fuite pour vivre une vie de liberté. L'écho de ce titre résonne à la page 424, une manière de se le rappeler, dans la bouche d'une migrante Soledad, son regard se perd au loin vers cette terre promise puis elle crache pour y laisser une trace, une métaphore de dégout !
La narration est attractive, il y a du suspens, tel un thriller, de l'aventure, de l'émotion, Jeanine Cummins entremêle avec beaucoup de facilité les émotions diverses qui assaillent notre lecture. D'ailleurs outre-Atlantique, American Dirt est plébiscité par de grands noms littéraires comme Don Winslow écrivant « les raisins de la colère de notre temps », puis aussi Stephen King ou Oprah Winfrey, mais une polémique c'est installée sur ce roman par de nombreux auteurs, lancée par l'autrice mexicano-américaine Myriam Gurba, voulant une légitimité plus importante des auteurs latinos, considérant Jeanine Cummins comme une voleuse de culture…
La trame est magnétique par cette écriture électrique, à travers ces personnages traversant ce Mexique à l'aide involontaire de la Bestia, nom du train de marchandise, ce sésame transportant les migrants vers al norte, tous jonchés sur le toit harnachés pour ne pas tomber. Les scènes décrites sont très réalistes, cette course pour attraper au vol ce train, ou sauter d'un pont pour atterrir sur le toit sans tomber, car beaucoup chutent et meurent ou deviennent estropiés.
Cette fuite débute dès les premières pages, Lydia et Lucas viennent de perdre leurs proches, 16 personnes, dont le Papi de Lucas son père Sébastien, journaliste, mais aussi sa grand-mère, sa cousine et les autres invités de la petite fête organisée, cette tuerie est le fruit d'un cartel en représailles de l'article de Sébastien sur le jefe, le patron de ce cartel. Mais ce cache derrière ce massacre des phases souterraines où Lydia est la seule responsable sans l'être.
On découvre un Mexique torturé, les routes sont continuellement menacées de barrages payant, contrôlées par les cartels, qui aussi à la main mise sur le flux des migrants, avec « les coyotes » , les passeurs, c'est comme la traite des êtres humains, un peu d'argent pour se rendre vers cette Amérique, mais beaucoup de ces migrants meurent, à travers ce roman, des personnages comme les deux soeurs adolescentes hondurienne fuyant l'horreur de leur pays et la progression de la criminalité, comme leur village natale perdu dans la montagne, laissant aux mains des narcotrafiquants, kidnappant les jeunes filles, puis en ville, ces filles sont souvent soumises à des viols, comme sur leur trajet avec des policiers mexicains corrompus, ces deux gamines violées par cinq hommes en uniformes, traumatisant la plus jeune, Rebecca ; 14 ans, encore dans l'innocence de l'âge, son autre soeur Soledad 15 ans, déjà violée en Honduras par un jeune merdeux, lui faisant du chantage, la mettant enceinte, le perdant avec une fausse couche lors de leur fuite sur les terres mexicaines, American Dirt est un roman sur la misère humaine de notre époque, sur le flux humain de pays en pays, cette immigration entre le Mexique et les États-Unis, celle condamnée par Trump, émergent des fils barbelés le long de la ligne de chemin de fer où circule la Bestia, ce train libérateur, ce train de la mort, Jeanine Cummins donne vit à des personnages secondaires attachants comme le jeune gamin Beto asthmatique, Marisol, une veuve , mére de deux filles, expulsée des États-Unis, malgré son intégration depuis des années et sa bonne conduite, El Chacal, le coyote, ce passeur intransigeant, et tous ces autres que rencontrent Lydia et Luca…
Jeanine Cummins de son expérience, de ces racines et de son enquête, place ce roman comme le cri moderne d'un Émile Zola avec son Germinal, dénonçant l'horreur de ces migrants du monde entiers, avec cette femme de 38 ans, qui du jour au lendemain perd tout, ses repères, sa vie, son statut sociale, pour devenir une bête traquée par la folie humaine qui existe dans ce monde moderne, il faut sentir la détresse de ces êtres humains arrachés de leur terre, comme ces deux soeurs, le pourrissement de certains comme le jeune Lorenzo , broyé par la vie, El Chacal , vivant de la misère des autres et tous les autres que notre auteurs n'a pas pu parler.
Ce petit rayon de soleil reste le petit garçon de huit ans, Luca, surprenant tout le long du roman, attirant à lui toute la bonté humaine, il cristallise à lui tout seul, l'espoir. D'autres personnages sont aussi la bonté, venez-vous perdre dans ces 500 pages qui se dévorent facilement, entre fluidité et haletant ce roman plaira à beaucoup.
C'est souvent des lectures difficiles, le contexte est peut-être porteur, l'immigration entre le Mexique et les États-Unis, et le cartel, la drogue, mais nous en débordant de ces romans; je me lasse car même si la recherche pour écrire ce livre est profonde, il manque cette identité d'authenticité, les personnages principaux sont touchants mais il y a au fond une forme de caricature induite...Cela n'enlève à rien au plaisir que j'ai eu à lire ce roman, qui en deux jours fut dévoré, c'est un roman à lire une fois dans sa vie pour vivre cette migration forcée, car l'homme restera un loup pour l'homme.
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