Citations sur Elégie pour ma mère (8)
Je lance mes bras dans les airs pour m'agripper à ta voix
J'abandonne tes yeux sur les taches blanches des falaises
La terre se fend sous mes pieds
Mes larmes débordent et emportent tes yeux, O père!
Je t'avais dit de ne pas faire ce pas
De ne pas faire ces trois pas vers cette sépulture
Ta bouche se tordra
Tes yeux se mettront de travers
Tes mains dessécheront sur place
Tes pieds ne te porteront plus au-delà de cette limite
Mais tu es lourd, lisse d'oreille
La parole ne peut s'y accrocher
Tu prends ta tête sur cette rive et l'emmènes sur celle des morts
Tu brises ton souffle sous les nuages
Tu te lèves, tu secoues ta croupe
et t'en vas
Sans sortie ni porte
Les Passages de la Lune
Je me faufilerai entre sang et neige
Je remplirai mes paumes de chants
Secouerai la terre de ma langue
et refermerai mes dents sur les jambes fragiles des sauterelles
Pour y redessiner nos mots
Les Funérailles du Matin
Ainsi font les autres, ils viennent vite et repartent vite
Ils fixent un point et avancent
Je reste à la place qu'ils ont quittée
Sous leurs yeux, je me charge de la vue des autres qui prennent place et s'en vont à leur tout
On ne sait quel vent sort de quelle bouche
Quel vent ils fixent et par quelle foulée ils nous remplacent
A travers Ongles et Racines
Aujourd'hui aussi, c'est le soir.
Je m'étais levé le matin.
J'avais déposé mon fils devant le moulin de tes yeux.
J'étais retourné chercher les traces de ta voix.
J'avais remonté tes yeux comme on remonte une cascade de chaussures. Je m'étais chargé des blancheurs de ta voix pour éclaircir ma parole.
De mes pieds, je t'avais fait une monture.
J'étais parti loin.
Dans la tiédeur et l'âpreté.
Après tour et détour, j'étais revenu avec cette langue qui s'enlace autour de mon cou et me tire vers le sombre de la parole.
Les gosiers, les pieds, les épaisses forêts.
Je m'étais levé le matin, je m'étais tourné vers la foulée des gazelles et j'étais parti.
Mes yeux se remplissaient et se vidaient.
Nos moulins tournaient à vide devant la langue.
Aujourd'hui aussi, c'était le matin, aujourd'hui aussi, c'est le soir
pourquoi naissons-nous toujours à une source autre
pourquoi nos terres retombent-elles sur notre visage
dans cette nuit qui couve nos rêves
(extrait de " À travers ongles et racines ") - p.17
RÊVES LÉGERS, NUIT CLAIRE
Extrait 4
Un peu de poussière, de fumée, de cendre
Terre
Chair de malheur. Éloignée des langues
Je mettrai une de tes moitiés dans une noix, la laisserai
aux vents des Perses
Aux alentours de l’automne, mettrai l’autre moitié
dans le calumet d’un vendeur ambulant
Et te laisserai partir dans les fumées de la chair
Rose tourne, rose contourne
Sur ton cœur, rose se retourne
Calumet dans le bois du rosier
Village est soir, soir est serpent
Notre sang tourne rose sur ta peur
RÊVES LÉGERS, NUIT CLAIRE
Extrait 3
Terre
Ô terre, le malheur nous a fait délaisser nos verges, nos blessures
nous ont empêchés de creuser un quelconque trou
Nous nous sommes tournés vers les calumets, terre
Les œufs passent dans les nids
La noix se fait vent chez les Perses, Ô bouche remise
Elle frappe les nuages dans la mort
Et accueille les vieilles dans l’œil de la source
Faudrait écarter le rouge d’une noire
La poser devant notre jeûne
Et élever ton nombril sur un piédestal
Terre, tu nous a assoiffés
Tu as enseveli nos blessures dans le cimetière des lézards
Tu as grillé les lézards dans la fournaise de midi
Terre, nos villages enfourchent les chevaux et courent les noix.
S’essoufflent les villages dans les traces des vendeurs ambulants
Tandis que tu emmêles la parole et confonds les funérailles,
terre
RÊVES LÉGERS, NUIT CLAIRE
Extrait 2
Posé une part devant nous, retourné l’autre dans ta chair
Avec un cœur noir, un hoquet lumineux
Ô toi, cœur, mon cœur lumière
Faudrait fixer l’homme
Le vider de sa panse
Et avancer
Dans la colère pétrifiée de la nuit
Emplissez un calumet avec la suie de nos yeux
Retirez une braise de nos songes
Allez vous asseoir à l’ombre des arbres d’automne
Faites tomber des noix en pelote sur nos nuages
Et tirez
Une bouffée sur le calumet
Une bouffée sur nos yeux
RÊVES LÉGERS, NUIT CLAIRE
Extrait 1
Noix se fait vent et nous emmène au pays des Perses
Dans une nuit d’automne
Nous avons léché ta source au nombril
Un automne long comme la lune
Faudrait mettre genou à terre et attendre. Sinon, se retourner,
t’atteindre par notre nom, te laver de quatre eaux différentes,
te faire macérer dans quatre langues, chauffer nos poings à
ton haleine, impatienter nos yeux sur les flammes, en faire
des melons crus et haleter sous un jour en ruine
Les chiens trébuchent au crépuscule et vident notre sang sur
l’été. Un été sec. Une chair blanche. Blancheur de nos
demeures sans nuages qui ne peuvent se retrouver dans
le noir. Les noix enfourchent les chevaux, emportent notre
sommeil et le déposent en ton sein
Comme si tu avais lavé tes tresses
Dans ton sommeil
Éclaboussé de ton sang
Comme si tu avais coupé ta chair en deux