L'autre moi-même : Les nouvelles cartes du cerveau, de la conscience et des émotions

La veille et l'esprit ne sont pas des "choses" binaires.

... même en l'absence complète de signes comportementaux de conscience, on en trouve du type d'activité cérébrale couramment corrélée avec les processus mentaux.

[la conscience] est un état de l'esprit dans lequel intervient une connaissance de notre existence et de celle de ce qui nous entoure. La conscience est un état de l'esprit - donc, s'il n'y a pas d'esprit, il n'y a pas non plus de conscience. C'est un état particulier de l'esprit, enrichi par le sentiment [...] de l'organisme en particulier dans lequel l'esprit est à l'oeuvre. Cet état de l'esprit comprend également une connaissance du fait que ladite existence est située, que des objets et des événements l'entourent. La conscience est un état de l'esprit auquel s'ajoute un processus du soi.

Nos souvenirs de choses et de leurs propriétés, des personnes et des lieux, des événements et des relations, de nos capacités, des processus de gestion de la vie - bref, tous nos souvenirs, qu'ils nous aient été légués par l'évolution, qu'ils soient de naissance ou bien qu'ils aient été acquis ensuite - existent dans notre cerveau sous forme dispositionnelle, en attente de de venir des images ou des actions explicites. Notre base de connaissances est implicite, cachée non consciente.
Les dispositions ne sont pas des mots ; ce sont des enregistrements abstraits de potentialités. La base de la mise en jeu des mots ou des signes existe aussi comme dispositions avant qu'ils ne prennent vie sous forme d'images et d'action, comme dans la production de parole ou de langage des signes. Les règles qui permettent de mettre ensemble mots et signes, la grammaire d'une langue, existent aussi en nous à titre de dispositions.

Ce qui est fascinant, c'est que le cerveau ne s'est pas débarrassé de son bon vieux procédé (les dispositions) en faveur de cette invention (les cartes et les images). La nature a maintenu en fonction les deux systèmes avec cette contrepartie : elle les a mêlés et les a fait fonctionner en synergie. Par suite de cette combinaison, le cerveau est devenu plus riche, et c'est ce type de cerveau dont nous autres humains sommes dotés à la naissance.

Le fait que nous percevions par engagement et par réceptivité passive est le secret qui explique l'"effet proustien" de la mémoire. C'est pourquoi nous nous souvenons souvent de contextes plutôt que de choses isolées.

Nos souvenirs d'objets sont régis par notre connaissance d'objets comparables ou de situations similaires à celle que nous vivons. C'est pourquoi nos souvenirs sont sujets aux préjugés, au sens plein de ce terme, lesquels sont liés à notre histoire passée et à nos croyances. Une mémoire parfaitement fiable est un mythe qui ne vaut que pour des objets triviaux.

... le traitement des images dans le cortex cérébral est lui-même affecté par l'émotion présente. Par exemple, les ressources cognitives comme l'attention et la mémoire de travail s'y ajustent. Certains sujets d'idéation deviennent improbables - on ne pense guère au sexe ou à la nourriture quand on fuit un homme armé.

Les programmes émotionnels comprennent tous les composants de la machinerie servant à la régulation de la vie qui est apparue au cours de l'évolution, par exemple, la sensibilité aux maladies et leur détection, la mesure du niveau des besoins internes, le processus d'incitation par récompense et punition, les dispositifs de prédiction. Les pulsions et les motivations sont des constituants plus simples de l'émotion. C'est pourquoi le bonheur ou la tristesse altèrent l'état de nos pulsions et de nos motivations, et changent immédiatement nos appétits et nos désirs.

Les sentiments émotionnels [...] sont des perceptions composites de ce qui se passe dans notre corps et notre esprit quand nous éprouvons des émotions. Ce sont des images d'actions, et non pas celles-ci elles-mêmes ; le monde des sentiments est celui des perceptions exécutées dans des cartes cérébrales. [...] l'intéroception domine souvent ce processus et est responsable de ce que nous appelons le ressenti de ces perceptions.