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Critique de Lamifranz


Tartarin a vraiment existé. Il semble en effet que Alphonse Daudet se soit inspiré d'un de ses cousins, horticulteur, avec lequel il a fait un voyage en Algérie en 1861 : Henri Reynaud est en effet un personnage excentrique, coincé ente une épouse rigide, vertueuse et autoritaire et ses rêves d'aventures et d'évasion. de là à forcer le portrait, lui ajouter une hâblerie exagérée, voire une naïveté plutôt ridicule, il n'y a qu'un pas. C'est ainsi que naquit (pour une bonne part) Chapatin, puis Barbarin, et enfin Tartarin, chef des chasseurs de casquettes de Tarascon, grand chasseur devant l'Eternel.
A Tarascon (Bouches-du-Rhône) (ne pas confondre avec Tarascon-sur-Ariège, svp), Tartarin est une célébrité. Ses exploits, du moins tels qu'il les raconte, sont devenus légendaires, au point que lui-même se demande s'il ne les a pas réellement effectués. C'est bien le problème, un jour ou l'autre on se fait prendre à son propre piège, et voilà notre Tartarin contraint d'aller chasser le lion « pour de vrai » en Afrique. L'Afrique, pour les Tarasconnais (et la majorité des Français de l'époque) c'est ni plus ni moins que l'Algérie, département français depuis la conquête en 1830. Ses aventures africaines sont moins glorieuses, mais c'est nanti d'un chameau qu'il revient au pays, et la peau d'un vieux lion aveugle lui ouvre toutes grandes les portes de la gloire.
Alors bien sûr, le trait est gros, forcé, « hénaurme » pour tout dire, trop gros pour être vrai. Assez toutefois pour que les Tarasconnais s'en vexent, et même qu'un certain Barbarin se sentant visé, élève une protestation. Mais derrière la galéjade, le portrait psychologique est finement tracé : des Tartarin il y en a partout, sans doute moins vantards, moins m'as-tu-vu (et encore), des qui s'attribuent des exploits imaginaires, et des qui pour épater les filles s'inventent des vies de héros…Tartarin n'est pas un héros, je ne suis même pas sûr qu'il soit un anti-héros. Bien sûr il est risible. Mais est-il pour autant ridicule ? Au fond c'est un grand naïf, victime de sa propre folie. Mais autour de lui, ces braves Tarasconnais qui jouent de lui en profitant de son propre aveuglement, tout comme ceux qui l'ont honteusement berné en Algérie, comment les qualifieriez-vous ? La faconde, l'accent, bien sûr c'est du soleil dans la voix, mais les méchancetés, les traîtrises, les coups tordus, même dits « avé l'assent », restent des méchancetés.
C'est du reste un reproche qu'on a fait à Alphonse Daudet, et après lui à Marcel Pagnol : ils auraient folklorisé la Provence, en comparaison d'écrivains plus « authentiques » (comme aurait dit Ugolin) comme Jean Giono ou Henri Bosco. Soyons sérieux, tous quatre sont d'immenses écrivains (il est temps qu'Henri Bosco soit lui aussi réhabilité), et tous quatre ont aimé éperdument « leur » Provence, qui n'était pas forcément la même pour chacun d'eux : les deux premiers racontent la Provence de la plaine et des collines, et les deux derniers celle de la montagne. Pour utiliser une formule un peu passe-partout, mais en l'occurrence assez juste, il me semble, Daudet et Pagnol se sont attachés à décrire des types provençaux, alors que Giono et Bosco, à travers eux, ou à partir d'eux, cherchent à décrire l'âme de la Provence


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