Les mains frileusement enfouies dans les poches de sa veste de laine, Corinne, pensive, se demanda durant un court instant ce qu’il allait advenir de sa famille dans les prochaines années. Certes, ses enfants grandissaient, mais il lui restait tant à faire
Pendant un long moment, le temps sembla suspendu dans la cuisine d’hiver. La mère et ses enfants pleuraient dans une maison où le père ne rentrerait plus jamais. Léopold, le visage grave, continuait à se tenir à l’écart, prêt à aider si on le lui demandait.
Laurent ne se donna pas la peine de répliquer. Les yeux ouverts dans l'obscurité, sa femme attendait que le sommeil lui apporte enfin l'oubli. Les remarques formulées par sa mère l'après-midi même avaient ravivé sa peine. Elle trouvait humiliant d'être l'objet de la pitié des gens.
Le respect ça se mérite, ça ne se commande pas répliqua Corinne avec justesse.
_ Elles peuvent bien péter plus haut que le trou si ça leur fait plaisir, déclarait en riant Marie-Claire Rocheleau, mais la Catherine Jutras est juste une femme d'habitant qui doit mettre les pieds dans le fumier de temps en temps, comme tout le monde.
— Vous pensez pas, m'man, que l'école pourrait être fermée après cette tempête-là ? lui demanda Madeleine en se levant pour aller chercher la théière demeurée sur le poêle.
— Il y a pas de raison qu'Angèle Beaulac garde l'école fermée, répondit Corinne en tournant la tête vers l'une des deux fenêtres de la cuisine. Il neige presque plus et le vent est tombé.
—Je serais ben plus utile ici dedans qu'à l'école, voulut argumenter Norbert, sans trop de conviction.
— Tu penses tout de même pas que je vais priver la petite Beaulac de son élève le plus haïssable, répliqua sa mère. Comment elle va faire pour gagner son ciel si tu restes ici ?