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Critique de ATOS


ATOS
02 février 2015
Cette parole contraire. Ce non qui n'a pas valeur de destruction, mais qui affirme tout au contraire l'annonce d'une détermination.
La défense du devoir que nous avons de ne pas laisser faire.
Une obstination juste et sincère.
Un devoir de résistance. Qui n'est pas affaire de droit mais de justice.
Erri de Lucas est venu se ranger auprès des habitant du val de Suse, vallée alpine dans la partie occidentale du Piémont en Italie, à l'ouest de Turin, auprès des sans noms, sans voix, qui refusent de voir éventrer une montagne par des mâchoires frénético-financières qui pulvériseront et projetteront dans l'atmosphère amiante et pechblende, matériau radioactif plus concentré que l'uranium. Pour faire passer des marchandises par cette vallée, déjà pourvue de routes, d'autoroutes et de voies ferroviaires, le village des hommes risque d'être irrémédiablement contaminé.
Des hommes travaillent à ce chantier et opèrent les premiers forages.
Si la ligne TAV, ligne à grande vitesse devant relier Lyon à Turin, passe par cette montagne, le profit protégé par le droit gagnera au détriment de l'avenir d'une terre et de l'espérance de vie de ses enfants.
Erri de Luca a exprimé son opinion par l'intermédiaire d'un article de presse.
Pour lui, ce projet est un crime. Et l'action qui consiste à vouloir stopper, entraver, neutraliser le geste de ce crime se justifie.
Ainsi a- t- il utilisé un mot: le verbe saboter.
C'est une affaire, non, d'état, même si ce projet est protégé par son statut dit « projet stratégique », c'est une affaire de non respect environnemental, de mise en danger de la santé publique. C'est un dossier européen. Car dans cette affaire la France et l'Italie sont partenaires, et le financement est européen.
Erri de Lucca est mis en accusation pour « incitation à commettre un ou plusieurs délits ».
Par ce procès, c'est le devoir d'expression qui est atteint. Non pas le droit, mais le devoir.
C'est évidement un acte déclaratif de résistance, de désobéissance civile.
Stéphane Hessel nous a rappelé que durant la seconde guerre mondiale , les résistants étaient minoritaires. Minoritaires mais convaincus non pas de leur bon droit mais fort du devoir qu'il se faisait d'être des hommes parmi leurs frères.
Erri de Lucca, ne retire rien de ses déclarations.
Il maintient sa parole. La parole contraire à ce qui se voudrait être établi.
Il maintient le verbe.
Il risque plusieurs années d'emprisonnement pour avoir délivrer une parole contraire.
Dans ce manifeste, qui n'a pas valeur de plaidoirie c'est son statut d'écrivain qu'il réaffirme.
«Elever sa pensée à la hauteur d'une colère (la colère que suscite toute cette violence du monde à laquelle nous refusons d'être condamnés). Elever sa colère à la hauteur d'un travail (le travail de pourfendre cette violence avec autant de calme et d'intelligence que possible).»comme l'écrit Georges Didi Huberman.
Être témoin, comme le fut Pasolini , en permettant l'élargissement du périmètre de la pensée, être engagé comme le fut de George Orwell. Soutenir un regard comme une valeur d'engagement au nom de l'humanité.
Erri de Luca est poète, romancier, autodidacte, traducteur, ouvrier, amoureux des langues et de la pensée.
Erri de Luca est alpiniste, un de nos meilleurs et courageux premiers de cordée. Et je suis étonnée que la France si prompte à débattre quant à la liberté d'expression ne s'interroge pas sur ce qui est mis en accusation à Turin, sol européen, en ce début d'année.

Astrid Shriqui Garain

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