« Plongée dans le kitsch littéraire de l'art déco » a écrit un critique en parlant de ‘'
La Madone des sleepings''…
Best-seller de l'entre-deux guerre, ce roman colle en effet à cette période : découverte
de la psychanalyse, goût pour les voyages et curiosité pour la Russie où une révolution vient de renverser le tsar ; de plus, l'héroïne, lady Diana Winham, est une de ces femmes libérées que la Belle Epoque a fait éclore.
Le roman démarre par une consultation de Lady Winham chez un psychiatre, disciple de
Freud : explications crues de la patiente qui assume totalement sa libido, jargon scientifique et séance ‘'d'analyse spectrale des réactions pendant l'orgasme'' m'ont bien amusée ; il semblerait que Dekobra ne prenne guère tout cela au sérieux.
Quant à l'intrigue policière elle alterne entre passages glamours (nuits dans les palaces, voyages dans l'orient-Express, yacht de croisière, etc…) et moments sombres, voire très sombres, dont le séjour de Gérard (prince Séliman et secrétaire de Lady Winham) dans les geôles de la Tchéka n'est pas le moindre.
Non seulement j'ai plongé dans le style de vie d'une certaine société de la Belle Epoque mais aussi dans son style d'écriture. Pour citer
Jean Dutourd (*) : « Malgré une profusion de métaphores et d'aphorismes idiots (« elle mit sur ma bouche la fleur vivante de ses lèvres »), le récit va vite, c'est toujours amusant, captivant même quelquefois. Dekobra ne rate jamais un imparfait du subjonctif, et ses références honorent le lecteur parce qu'elles lui supposent une certaine culture. » Style très typé, donc, et dépaysement total…
« Sous son pseudonyme de
Maurice Dekobra, le Parisien Ernest-Maurice Tessier (1885-1973) a été un des écrivains français les plus lus de l'entre-deux-guerres. Il aurait vendu plus de 90 millions de livres et fut une véritable star mondiale » (
Paul Aron). Aujourd'hui, cet auteur est quasi inconnu, sans doute car trop typique de son époque. C'est pourtant agréable de se replonger, à l'occasion, dans une époque si différente de la nôtre… une époque qui donne l'impression que rien n'est fondamentalement grave, rien n'est vraiment pris au sérieux.
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(*) cf ‘'
Contre les dégoûts de la vie'', chapitre ‘'Décadence de la mauvaise littérature''