La vie de Luce est plus difficile que la mienne. L'absence a un visage pour elle. Ça, ce doit être très dur. (p.87)
Quant à Jeanne, on l’a trouvée, il y a quatre ans, quatre ans et demi, dans une rue de Paris, inconsciente. Malaise ? Accident, Agression ? En tout cas, très long coma. Et quand elle est sortie… ne savait dire qu’un mot… Jeanne. Apparemment tout oublié. Amnésie quasi complète.
Un grand puzzle prenait forme, quelques pièces s'emboîtaient déjà au milleu d'espaces béants. On restait seuls avec nos deux vies qui tentaient de n'en faire qu'une.
Mes mots à moi voulaient le faire parler, le ressusciter.... Et si mon père était pro quelques chose qui ne me plaise pas ....si...
L une après l autre, elle nous colle une étiquette et nous devenons bocaux à placer sur l étagère de l infirmerie. Gelée de tétanie, confiture de fugue, compote d impertinence, marmelade d incivilites....
Longtemps je m'en suis voulu de n'avoir rien su retenir mais peu à peu j'ai compris qu'on ne choisit pas. On ne garde pas ce qu'on veut du passé. C'est comme ça... il faut accepter. (p.85)
Eh oui ! La mémoire est une denrée périssable. Même sans accident, on la perd. Elle s'use.
Quand je regarde cette photo, j'aimerai retrouver leurs voix, leurs rires de ce jour-là, les propos échangés.
Ma vie s est mise à bouger. Je le sens. Je me heurtais au monde comme à une pierre, tout est devenu mouvant.