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Critique de Alfaric


Ce nouveau tome de la série « Ils ont fait l'histoire », collection de bandes dessinées qui prend la forme de biographies historiques présentant une dimension pédagogique car à destination du grand public, et qui espèrent vraiment que le public scolaire se prêtera au jeu, est consacré à une réalité qui a dépassé la fiction : la réalité dépasse la fiction : si on avait inventé de toutes pièces un personnage « bigger than life », pas sûr que sa vie aurait été aussi incroyable que celle de Winston Leonard Spencer-Churchill...


J'attendais beaucoup de cette biographie en bande dessinée, et je n'ai pas été déçu ! Les similitudes avec Jaurès et Clemenceau sont intéressants (Churchill combinant le lyrisme du premier et les punchlines du second), mais le personnage qui est un pur produit de l'aristocratie anglais n'a pas échappé pas à un romantisme flamboyant... Les trois personnages ont été élevé dans une culture faisant la part belle aux humanités antiques, donc on retrouve des liens entre eux et des grands figures de l'Antiquité (ici forcément populares) : dans le cas de Churchill le mimétisme avec Jules César interroge... Élevé comme les nobles famille romaines dans le culte des ancêtres, Churchill doit tenir son rang et être digne de tous ceux qui l'ont précédé, mais il a aussi soif de reconnaissance et en trouve davantage dans l'amour de sa nurse Mrs Everest dans l'affection de ses parents (qui étaient déjà en soi d'incroyables personnages). Il a beaucoup de rêves et n'a jamais renoncé à eux : il veut combattre aux côtés de son père, et bien conscient de ses qualités et de ses défauts il veut faire carrière dans l'armée avant de faire carrière dans la politique... La chance sourit aux audacieux certes, mais quelle baraka pour celui qui ressemble carrément à un aventurier de pulp ! et comme il a la double casquette militaire et journaliste on dirait Tintin chez les tuniques rouges ^^ (aussi critique comme militaire que comme journaliste envers les hiérarchies incompétentes et bouffies d'orgueil, on a voté une loi spécialement contre lui car il était à l'abri des homines crevarices en tant que héros de guerre et fils de la maîtresse du futur Édouard VII ^^)
Sa carrière politique est encore plus incroyable : fidèle à son héritage il commence chez les Tories, mais fidèle à ses convictions il change de parti comme de chemise pour faire triompher les idées qu'il a choisi de défendre... Il passe ainsi par tous les ministères avant de se retrouver ministre de la marine durant la WWI et de devoir assumer le désastre des Dardanelles face à tous les ceux qui lui ont savonné la planche, mais l'animal politique se défend bec et ongles et rebondit comme ministre de l'Armement puis de la Guerre où il joue à fond la carte de la modernité avec les avions et les chars !
Le Traité de Versailles (avec le double jeu des USA qui ont demandé la clémence pour les vaincus mais serrent la gorge des vainqueurs pour récupérer l'argent prêté, qui fatalement serre la gorge des vaincus à leur tour pour sauver leur peau), la Crise de 1929 (avec des USA pompiers pyromanes, et un Churchill au sang bouillant qui ne comprend rien à rien au monde des animaux à sang froids du financiarisme), l'ascension des totalitarismes (avec des USA qui se disaient isolationnistes mais qui furent d'une grande bienveillance avec le IIIe Reich et d'une grande malveillance entre l'URSS)... Churchill devient l'homme le plus impopulaire d'Angleterre, carrément qualifié d'alcoolique has-been, quand démarre la WWII : les politiciens sans aucune imagination parce qu'ils ne connaissent pas la maxime « gouverner c'est prévoir » se tournent alors vers le mouton noir qui connaît la guerre mieux qu'eux tous réunis... To Be Continued : alors que certains continuent de croire au mythe de l'homme providentiel, d'autres croient au proverbe « celui qui est au sommet de la montagne n'est pas descendu du ciel » !

Avec un personnage aussi truculent, Vincent Delmas ne peut que s'éclater en nous éclatant, et les graphismes assurés par le story-board de Christophe Regnault, les dessins d'Alessio Cammardella et les couleurs d'Alessia Nocera m'ont bien plu (décidément le vivier des artistes italiens est inépuisable !). La fine équipe est chapeautée par l'historien François Kersaudy qui nous livre des appendices passionnants, mais des choix ont été réalisés : le personnage est dépeint comme un héros romantique... Donc on oublie qu'il n'a pas été fils unique et son frère John Strange passe à la trappe, on passe rapidement sur son narcissisme et sur son alcoolisme, et on passe outre ses opinions négatives voire insultantes contre les Français, les Juifs, les libres penseurs, mais aussi contre la plèbe trop teubé pour se gouverner elle-même car trop teubé pour savoir ce qui est bien pour elle... Au final, envers et contre tout un pur produit de l'aristocratie anglaise !
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