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3,39

sur 61 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
« Madame Diogène » est un roman assez court (140 pages) d'Aurélien Delsaux. Edité en août 2014 chez Albin Michel Editions, cet ouvrage n'est pas une biographie de la vie de la femme de Diogène, ce philosophe grec de l'Antiquité, connu tantôt comme un débauché, tantôt comme un ascète sévère et volontaire. En fait, Aurélien Delsaux a écrit ce livre en référence au syndrome de Diogène, syndrome caractérisé par une négligence extrême de sa propre hygiène corporelle, par une accumulation domestique d'objets hétéroclites ou par une relation inhabituelle aux objets, par l'absence de toute honte liée au déni de son propre état, par un fort isolement social (on parle de misanthropie de survie), par le refus de toute aide extérieure (aide vécue comme intrusive), et par une personnalité pré-morbide (source : Wikipédia). Bref, c'est du lourd !

Madame Diogène ne vit pas dans un tonneau mais dans un appartement transformé en terrier. Elle y a accumulé au fil du temps des tombereaux d'immondices dont les remugles ont alerté les voisins. Elle n'en a cure, elle règne sur son domaine, observe le monde de sa fenêtre, en guette l'effondrement et le chaos. Plongée vertigineuse dans la folie, analyse minutieuse de la solitude radicale, ce premier roman d'Aurélien Delsaux explore avec une force et une maîtrise étonnantes un territoire aussi hallucinant qu'insoupçonné. L'héroïne de cet ouvrage est donc une vieille femme atteinte de ce syndrome ; elle a perdu le seul être qui lui était cher, à savoir Georges, son jeune frère. Les faits remontent à la petite enfance de Madame Diogène ; dans son délire chronique, elle revoit son père, en monstre des marais, lui apportant le corps inerte du jeune noyé. Elle vit seule et elle est à la retraite (il n'est pas exclus qu'on l'est licenciée). En pleine détresse humaine, soixante ans après, ayant quasiment perdu l'usage de la parole, elle survit dans son cloaque, observant les individus, leurs bruits et leur vaine agitation. L'odeur épouvantable qui filtre de son appartement lui attire la haine et la colère de ses voisins : égoïstes, indifférents, ayant peur de leur propre vieillissement, ils sont insensibles au drame personnel qui se joue à leurs portes. Pour eux, Madame Diogène n'est qu'une folle et ils n'ont de cesse de la faire expulser par la police, par les pompiers. L'enfer, c'est les autres !

Madame Diogène bouge, grignote, mâchonne, entrebâille son vasistas, observe le monde qui l'environne (des visages pâles, qui vont, qui viennent et ne s'arrêtent pas, des fantômes qui se trainent, des loques qui insultent les passants), et elle parle à son chat mort. Elle est à son poste de vigie, et ce n'est pas la vanité des journées ou le vide de sa vie qui l'étonne ; non, c'est qu'il y ait encore quelque chose au-dehors. Ce monde urbain l'écoeure avec ses bouches de métro qui ressemblent à des gueules édentées vomissant un flot d'êtres humains. Madame Diogène se réfugie dans son tonneau, y enfouissant son passé, se composant son univers avec l'émerveillement d'un singe qui se prendrait pour Dieu, se refusant à trier, classer, nettoyer et obéir (son facteur est obligé de glisser le courrier sous sa porte ; sa nièce et son assistante sociale doivent montrer patte blanche pour lui rendre visite). Madame Diogène a peur que ses voisins pénètrent dans son tonneau, qu'ils la démembrent et la décervellent. Sa vie est une suite hallucinée d'images et de souvenirs, réels ou inventés, et transformés. Un sentiment maternel l'habite vis-à-vis des petites bêtes qui grouillent dans son appartement. Madame Diogène qui n'attend plus personne, plus rien, aimerait tant retourner en enfance mais le monde lui refuse cette possibilité. Alors, elle peut devenir violente, et cette violence elle l'exerce d'abord sur elle-même, avec son physique, toujours plus sale et repoussant.

Un roman superbe, percutant, déroutant, dérangeant, avec un humour froid, grinçant et corrosif. Un texte délicatement écrit, comportant ce qu'il faut d'invraisemblances et de maladresses pour nous montrer dans quel état psychologique et intellectuel se trouve notre héroïne. Une histoire qui ne met que peu de personnages en jeu : Mr Zaraoui (fils d'immigré, il se promet d'aider son voisin à foutre Madame Diogène dehors), le voisin de Mr Zaraoui, la nièce et l'assistante sociale de Madame Diogène, et quelques autres, à en juger par les bruits qui se propagent entre les appartements. L'auteur fait preuve de beaucoup de compassion pour son sujet, un sujet sur lequel il s'est manifestement beaucoup documenté, un sujet qu'il maîtrise et qu'il traite d'une plume habile et véloce. Au travers des yeux de Madame Diogène, l'auteur porte un regard critique sur nos solitudes urbaines, sur la clochardisation progressive des SDF, sur le déni de réalité qui ronge les citadins, sur le musèlement des consciences, musèlement qui pousse à refuser l'aide réclamée ou attendue par notre prochain. Certains pourront s'étonner que les voisins n'aient pas réagi plus tôt aux puanteurs mais l'action semble se dérouler sur quelques mois ; certains pourront déplorer qu'il ne se passe pas grand-chose dans cet appartement parisien, mais ça n'est pas exact (cf. plus haut). Pour ce premier ouvrage atypique, concis et superbement traité, je mets 4 ½ étoiles, et je recommande !
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Excellent roman pour comprendre ce syndrome, Madame Diogène, ne vit plus dans notre monde ou si peu, elle est pourtant à l'affût de tout et n'importe quoi.
J'ai trouvé l'écriture très belle, originale, et j'ai été touchée par cette dame si seule, si perdue dans sa maladie, j'ai même été émue par des moments poétiques malgré ce spectacle sans nom.
Un premier roman réussi, percutant et touchant.
un livre qui remue, bouscule, mais qui nous soulève le voile de ce syndrome.
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C'est un premier roman et quel roman ! Coup de coeur pour ce livre qui m'a ému, choquée, dérangée, bouleversée. C'est une incursion dans la sénilité, la solitude et la folie que nous propose ce jeune auteur à la plume prometteuse. C'est un livre fort en émotion et à mon humble avis on l'aimera ou on le détestera, moi j'ai adoré. le lecteur assiste impuissant comme regardant par le trou de la serrure au glissement dans la folie d'une vieille femme seule, j'ai été chahutée, prise à la gorge, horrifiée, écoeurée, une valse d'émotions qui m'ont poussé à tourner les pages sans m'arrêter. Tout les mots sont habilement choisis avec le champs lexical de la saleté, de l'isolement, la puanteur, la folie.

On passe par tout les sentiments, tout les états au fil des pages. J'ai éprouvé beaucoup de compassion pour cette Madame Diogène qui se laisse aller et s'est enfermé dans une totale solitude dans l'indifférence totale. C'est d'une certaine manière terrifiant de constater à quel point on peut sombrer sans qu'aucune aide ne soit apporter, sans la moindre compassion.

J'ai aimé le rythme, les tournures de phrases, le sujet, c'est drôlement bien écrit, maîtrisé, une très belle découverte dont je ne sors pas indemne. C'est un livre étonnant et angoissant qui demande d'avoir le coeur bien accroché.

VERDICT

Amateurs de fables sociales, d'émotions fortes et de sentiments mélangés ce livre est pour vous. C'est un coup de coeur pour moi et je vais suivre cet auteur de près. Par contre si vous êtes dépressifs et avez besoin d'un bon bol d'air ce n'est peut-être pas le bon moment pour le lire. Quoi qu'il en soit il ne laissera personne indifférent.
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Diogène vivait dans un tonneau, quelques-uns d'entre nous le savent. Madame, elle, vit dans un appartement. Un appartement dans un immeuble.

Diogène vivait seul. Madame, elle, ne vit pas si seule que ça. Il y a les voisins du dessus, ceux du dessous, sa nièce, l'assistante sociale, les gens de la rue, les mouvements dans la rue… Il y a aussi une foultitude d'animaux dans son appartement.

Diogène vivait sale. Madame, elle, est pouacre. Tellement pouacre qu'on pourrait dire répugnante. Mais c'est pareil.

Trois clichés plus tard, je pourrais dire que Madame Diogène n'inspire guère la sympathie.

Et pourtant ! Cette vieille dame qu'Aurélien Delsaux nous présente dans son premier roman, elle est bien « autre chose » que ces représentations à l'emporte-pièce que le lecteur pourrait se faire d'emblée. Si les souvenirs la fuient, elle a entassé dans son antre tout ce qui les composait. Elle ne sait plus qu'en faire puisque presque tous ont perdu sens et qu'ils sont devenus déchets ; mais ils sont là, autour d'elle, en elle qui observe, muette, les vestiges de ce qu'elle a connu. Si elle n'a plus les mots pour décoder ce qu'elle voit, elle perce du regard ce qu'elle ne connait pas.

Son regard pourrait être celui du lecteur s'il veut s'en laisser convaincre ; le regard sur un monde qui part à vau-l'eau, selon l'auteur : manifestants qui « marchent d'un bon pas, joyeux de colère », policiers qui « à l'avancée du cortège, se raidissent », « parade de cirque […], révolution pour rire ». C'est ce monde qu'elle scrute, un monde perdu dans une tourmente, qui soubresaute au rythme des slogans, aux éclairs des lacrymogènes, aux hurlements des sirènes policières, aux retentissements des cris, aux giclements de sang. « Elle est, elle, dans son trou sombre, blottie tout au fond du présent ».

Roman inquiétant, troublant, perturbant, percutant, émouvant. Madame Diogène n'est-elle pas, comme Aurélien Delsaux le dit dans une récente interview, « la dernière humaine » ?
Lien : http://litterauteurs.canalbl..
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Un récit original qui a pour thème une pathologie trop souvent ignorée mais envahissante, c'est le moins qu'on puisse dire !
Ce livre emprunté il y a plusieurs années, se lit presque frénétiquement car il traduit si puissamment le sentiment d'étouffement que l'on souhaite s'en extraire au plus vite.

L'écriture est forte, fluide, on ne sort pas indemne de cette lecture.
L'auteur décrit avec beaucoup de soin ce syndrome très handicapant qui conduit à l'isolement, la solitude, l'effacement, l'encombrement et l'accumulation invraisemblables d'objets rapidement mêlés aux déchets, et qui affecte santé mentale et physique.
Ce récit m'a bouleversée.
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Il y en a des choses à dire sur ce roman très court (et heureusement plus aurait été trop) et ... très "frais" (à ne pas lire à table gloups).

Le syndrome de Diogène vous en avez entendu parler non ? Au moins vaguement ... mais imaginiez-vous les proportions qu'il peut prendre ? Non? Alors ouvrez ce bouquin même si j'ai envie de dire "âme sensible s'abstenir".

Ce roman est à vomir et vous dégoûte? Parfait il a réussi à retranscrire ce qu'est cette maladie et avec brio ... Oui il est à vomir tant il dégueule de saletés, mais aussi de solitude, de folie, de replis, ... de tous ces éléments constituant cette pathologie particulière.

L'auteur ne nous épargne pas, il ne met pas de gants et nous balance la réalité de Madame Diogène comme ça en plein front. le lecteur se retrouve projeté de façon violente dans cet appartement puant, dans ce terrier constitué de déchets et déjections en tous genres. Et le lecteur ne peut que s'imprégner tant la plume adroitement maniée arrive en peu de mots à nous noyer dans le quotidien du personnage, si bien que l'on se surprend à être dégoûté, à se dire que ce bouquin est à vomir, à chercher la bougie parfumée la plus proche, ...

Alors oui franchement j'ai été dégoûtée je ne m'en cache pas. Oui j'ai trouvé certains aspects répugnants, je ne m'en cache pas non plus. Mais oui je souligne le travail de l'auteur par rapport quant à la connaissance de la maladie, oui j'estime qu'il a parfaitement retranscrit l'état des personnes atteintes, oui ce roman pour moi est une répugnante réussite. Les mots sont justes, les phrases cohérentes, et tout se tient pour nous livrer un portrait sous forme de roman de ce que vivent ces personnes.

Nous n'allons pas parler de bon moment, car franchement non (et je précise que j'ai fait l'erreur de lire en déjeunant) ce n'est pas un moment d'évasion .... mais de moment réussi dans ce que l'auteur cherchait à faire. Il l'a fait avec brio et si il garde cette faculté de plonger dans le réel, alors j'ai hâte de le voir s'attaquer à d'autres sujets!
Lien : http://desmotssurdespages.ov..
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Madame Diogène raconte surtout l'histoire de la solitude la plus extrême, une histoire livrée comme ça, sans fioritures, l'histoire d'une vieille femme qui a cessé de coudre, de regarder la télévision, de trier ses photos et de faire le ménage pour basculer dans un chaos insensé mais étrangement plus confortable. Et d'ailleurs on se demande, avec elle, en observant les gens « normaux », s'ils ne sont pas tous un peu dingues. Forcément, j'ai trouvé cette bribe de vie extrêmement touchante, parce que les vieux qui disparaissent à force d'être seuls, à force de ne plus êtres vus, c'est vrai partout, dans les cabanes de déchets et dans les appartements javellisés.

Très jolie découverte.
Lien : https://prettyrosemary.wordp..
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Quelle terrible roman que propose de découvrir Aurélien Delsaux : plonger dans le syndrome de Diogène de cette manière est effroyable !
Madame Diogène n'est en réalité pas Madame Diogène. C'est une vieille femme anonyme à qui l'auteur attribue ce nom tiré du trouble du comportement touchant surtout les personnes isolées âgées qui négligent l'hygiène corporelle et domestique et accumulent toutes sortes d'objets hétéroclites jusqu'à arriver à des conditions de vie insalubres (nom provenant du philosophe grec Diogène).
Et bon alors soyons franc, ce titre n'a absolument rien de drôle, c'est même plutôt glauque, trash et absolument dégueu !...................................
Lien : http://stephanieplaisirdelir..
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