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Critique de topocl


Laurent Demoulin a deux vies. Dans le civil il est un universitaire brillant, spécialiste des mots et de Francis Ponge, amateur de Roland Barthes, vivant toujours un livre à la main, et poète. Dans l'intime il est le père non-autiste de Robinson, enfant oui-autiste, "enfant auquel l'enfance est volée et enfant volant dans l'éternelle enfance". Robinson, à qui son père voue un « amour pur», ne parle pas, ne contrôle ses excréments que comme aire de jeux ou comme langage personnel. Robinson vit des joies furieuses et des besoins incontrôlables, des colères assassines et des angoisses insondables, tous impossibles à décrypter.

Laurent Demoulin écrit ce "roman", « bouée de sauvetage grâce à laquelle j'évite la noyade" . On se doute bien que l'un des rares éléments fictionnels est ce prénom, Robinson, pour son enfant-bulle, son enfant-île, son enfant-sauvage, dont l'auteur essaie au mieux de s'approprier l'insaisissable logique illogique. Laurent Demoulin parle d'amour et de merde, de patience et de bulles de savon, de surplace et de jour-le-jour, de corps qui se love et de main tendue. Il décortique cet amour d'un père pour son fils, où chaque instant est un défi, un exploit impossible, avec une humilité fière, qui m'a touchée (plus, même) à chaque chapitre, à chaque page, à chaque mot..

Laurent Demoulin a un regard confondant d'empathie et de tendresse, et raconte cela avec une vraie écriture de poète, qui rêve ce monde étrange , "le drame de [sa] vie" , en image magiques. A travers cet enfant-autre, aidé des réminiscences résilientes de sa propre enfance heureuse, Laurent Demoulin apprend à se regarder et regarder le monde autrement, et cet autrement interagit avec son univers propre hautement poétique et réfléchi , pour construire un autre Laurent Demoulin, être lumineux, courageux, avançant à tâtons malgré son désespoir éternel.

Il approche humblement d'une appréhension ( à défaut d'une compréhension) du monde étrange de son enfant, pour mieux l'approcher, et mieux l'aimer.

Robinson (je pense aussi à d'autres livres comme Dernières nouvelles du martin pêcheur de Bernard Chambaz, ou Dans ma peau de Guillaume de Fontclare ) est, mieux que n'importe quel discours théorique, profond ou fumeux, une extraordinaire quoique paradoxale leçon de bonheur. Non pas tant par cette réaction initiale, à la fois imbécile et égoïste, qui vous fait bien vite déceler le bonheur de vos jours d'avoir échappé à cela, un enfant autiste (ou un enfant mort, ou une maladie grave). Mais un questionnement soudain vous saisit pour vous demander si, au contraire, vous ne vous êtes pas privé, par vos petits bonheurs-plaisirs mesquins, d'une intensité de l'instant, d'une hauteur dans la dignité et l'amour, au final : une dignité et une humanité qui donnent sens - encore faut-il en être capable.

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