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sur 58 notes
« … le golfe de Tadjourah s’étendait en une seule nappe sombre se perdant dans l’infini de l’océan. En bordure de route, les lucioles des vendeuses de khat semblaient flotter comme des fanaux sur une mer d’huile, déroulant vers l’horizon leurs longues guirlandes de lueurs mourantes. Au-delà des phares du taxi, la route disparaissait dans une nuit impénétrable. Tout paraissait irréel. On avançait en apesanteur vers le néant toujours plus noir du monde. »
note Markus dans le taxi qui l’emmenait vers la caserne en compagnie du lieutenant Maronsol et du capitaine Broudon, venus l’accueillir à l’aéroport lors de son arrivée à Djibouti.
Markus va y passer six mois au sein d’une compagnie de la légion qui y est cantonnée.
Il nous entraîne à sa suite au cours de la dernière nuit qui précède son départ, nuit de dérive chaotique durant laquelle rejaillissent des scènes, des rencontres qui l’ont marqué et resteront gravées en lui.
J’ai fait cette lecture d’une seule traite sous tension, prise par la violence et la beauté insoutenable de ce récit qui n’épargne rien de la souffrance et de la solitude des soldats et des filles qui les attendent dans les bars où ils se saoulent et se battent au cours de nuits de folie.
Un récit marqué par des scènes de décomposition et de chaos qui, bien qu’étant liées à la vie de ces hommes et de ces femmes perdus, brûlés par l’incandescence de Djibouti, semblent nous dire qu’inéluctablement le monde s’y dirige. Un récit pourtant empreint d'une grande poésie.

« Markus : Les paléontologues prétendent que ce fut le berceau de l’humanité. Et les Égyptiens l’appelaient « le pays de Dieu ».
Le capitaine : Alors ?
Markus : Alors tout est fini.
Maronsol : Quoi ?
Il n’y a pas de retour aux sources possible, sachant ce que nous savons, ayant fait ce que nous avons fait. Tout ce que nous touchons, nous le salissons. Tout ce que nous voulons réparer, nous le détruisons un peu plus. L’univers grossit comme une bulle, le vide augmente, l’errance s’aggrave, la solitude s’agrandit. Les galaxies s’éloignent les unes des autres. Chaque seconde qui passe ajoute un peu à la somme de nos erreurs.
Maronsol : Irréversiblement.
Gallardo : Et si tout n’avait toujours été que ce long et douloureux chaos ? »
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« Il n'y a pas de retour aux sources possible, sachant ce que nous savons, ayant fait ce que nous avons fait. Tout ce que nous touchons, nous le salissons.  ...


« La terre des Afars et des Issas, l'implacable désert de Djibouti », avec son sable qui brûle et son soleil qui embrase l'air jusqu'à vous calciner, assécher toutes les molécules d'eau qui vous composent, pour vous consumer, vous laisser pantelant, puant la sueur et la trouille.

Soldats d'un autre continent vous allez découvrir l'origine des peines et des désespoirs, vous allez vous noyer dans des bras, vous détruire dans des combats d'ivrognes, espérant ainsi une fin à ce mal-être qui vous gagne sournoisement dans cette désespérance, ce dégoût de vous-même.

« Fuck la life ! »

La lassitude gagne les esprits, l'alcool annihile les remords et les putes vous font oublier, un instant, un instant pour elles aussi, cette sensation de solitude et de déréliction effroyable où chacun se retrouve face à lui-même dans la nuit de Djibouti, une nuit noire où l'on ne voit rien, sauf quelques lumières devant des bistrots de fortune où certains baisent pendant que d'autres cuvent et s'endorment, après une bagarre où personne ne cherche à gagner, juste à saigner.. Quand « l'exacte définition de la fête était aussi l'exacte définition de la mort ».


... L'univers grossit comme une bulle, le vide augmente, l'errance s'aggrave, la solitude s'agrandit. Les galaxies s'éloignent les unes des autres. Chaque seconde qui passe ajoute un peu à la somme de nos erreurs. »


Un jeune auteur qui a marqué mon esprit au travers de ses mots d'une grande justesse et empreints de respect. Bluffant !
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Markus, soldat dans la coloniale, vit sa dernière soirée à Djibouti. Il déambule dans les rues, les bars, pour une ultime confrontation avec les putains et les militaires ivres de solitude et de violence. Le temps d’une nuit, Markus fait l’expérience d’une humanité à la fois sordide et flamboyante. Une errance initiatique qui sonde les corps, les cœurs et les âmes.
Il fait la connaissance de Thérèse, les yeux noyés de chagrin et l’aide à enterrer son petit chien, son seul compagnon puis il poursuit son chemin jusqu’au bout de la nuit.
Au petit jour, le temps du retour approche...
Il faut lire ce livre, avant tout pour l’écriture, tellement belle, tellement imagée, quasi photographique. L’émotion affleure à chaque phrase.
Pierre Deram signe un magnifique premier roman. Je suis impatiente de lire son prochain livre.
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"Djibouti", le bref roman de Pierre Deram raconte la dernière nuit que passe le soldat Markus dans cette ville avant de repartir au matin pour la France. le récit de sa déambulation nocturne est rythmée sur deux temps : celui des souvenirs des mois passés en Afrique et le présent de cette nuit à laquelle son départ prochain donne une intensité singulière.
"Violence et beauté" sont les leit-motiv de son séjour, de ses réminiscences et de cette nuit-frontière entre deux continents. Et l'écriture sait magnifiquement nous faire ressentir ces émotions extrêmes. La férocité des rapports humains et du soleil implacable alterne avec la compassion que l'obscurité peut faire naître, pour une femme en deuil de son chien, pour une prostituée malheureuse, pour ces jeunes gens qui se battent à coups de tête...
L'ombre du Conrad d'"Au coeur des ténèbres" enveloppe le roman de Pierre Deram sans que cette référence soit jamais écrasante.
L'écriture crue, précise, sensorielle nous donne à voir, à ressentir et à vivre ces scènes, pour nous, inédites.
La puissance évocatrice de ces cent-quatorze pages m'a médusée et je ne cesse aujourd'hui de penser aux implications potentielles de cette phrase : "Les soldats sont les frères des petites filles, nous sommes la fratrie innocente qui porte la violence et la beauté".
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Un roman magistral nous dit-on en quatrième de couverture. Magistral à condition de ne pas craindre le sordide. Car dans ce domaine on pourra difficilement faire plus avilissant que les scènes de débauche en cette veille de retour en France pour Marckus, lieutenant de la coloniale en séjour à Djibouti. Un ouvrage sans autre intrigue que celle de vivre une dernière soirée dans les bars à prostituées de la Corne de l'Afrique, avant de rentrer au pays de l'aménagement du territoire et de l'égalité homme-femme.

"Nous sommes les enfants de la violence et de la beauté" avait retenu Marckus d'un de ses congénères qui décrivait ainsi la vie des militaires en poste en Afrique. Pour être exhaustif dans l'exploration de la nature humaine, il ne faut certes pas craindre d'aborder sa laideur. Quant à la beauté, Pierre Deram nous la développera sans doute dans un prochain ouvrage. On sort de celui-ci avec la conviction qu'il avait un compte à régler avec la grande muette, à nous la peindre sous ses travers les plus ignobles. Car s'il y a des péripéties qui pourraient élever le débat dans le domaine de la sensibilité, elles sont consciencieusement noyées dans d'autres qui donnent plutôt envie de vomir.

S'il faut trouver un créneau d'originalité pour être édité, celui qui fait sortir Pierre Deram de l'anonymat vient du fond du caniveau. Attendons donc le prochain ouvrage pour aborder le bon côté de la nature humaine.
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Le personnage, Markus, est un officier sur le point de rentrer à Paris après quelque mois de missions à Djibouti. Dans ce petit roman, l'auteur a fait passer beaucoup de violence, de vacarme, de désordre, de mort qui décrivent l'ambiance de la ville, de sa mer et de ses bas-fonds. J'ai aimé l'écriture mais pas les sensations qui me bousculaient. Pourtant, l'auteur excelle à faire passer la sensation de chaleur de plomb, la sécheresse, toutes les sensations. On sent qu'on se trouve dans un pays asséché, désertique, avec pourtant quelques endroits merveilleux, comme ceux de la mer. On retrouve dans ce roman les sensations que l'on a quand on part en vacances dans les pays chauds et qu'on est accablés par la chaleur. Les phrases sont longues et mêlent tous les styles : poétique, noir, élégant, lyrique. Il y a une écorchure dans cette littérature, quelque chose de très vivant, et les moments poétiques aboutissent souvent à une violence ou une brutalité imposantes, mais ça peut plaire, car l'écriture est vraiment très belle.
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Le lieutenant Markus rentre à Paris demain. Pour sa dernière nuit à Djibouti, il s'embarque avec Maronsol et le capitaine Gallardo pour un adieu aux armes d'une incandescente mélancolie…

J'ai craint au départ les clichés sur les beaux légionnaires sentant bon le sable chaud et se tapant, le treillis sur les chevilles, une chèvre crevée au piquet depuis trois jours en chantant « Tiens, voila du boudin ». Mais il n'en est rien. Djibouti est un très beau premier roman, plein de souffle, qui se laisse parfois déborder par quelques emportements lyriques mais dont l'écriture est dans l'ensemble magnifiquement tenue. Un texte charnel qui dit la moiteur d'une ville au bord de l'asphyxie, une ville où la chaleur épouvantable écrase les êtres, où le soleil dissout les âmes. Sur cette terre désolée, on suit les errements nocturnes de soldats paumés et de putains fatiguées partageant la même solitude dans des rues où « l'ivrognerie et la tension sexuelle sont partout palpables ».

Pierre Deram décrit un monde en faillite dans lequel chacun navigue les « yeux perdus au fond d'une nuit d'ivresse ». Une indicible mélancolie face à laquelle Markus veut trouver un semblant de sens : « Toute cette désolation… je veux croire qu'il y a… tout de même… quelque chose comme la flamme d'une bougie… si fragile… vacillante… Il faut qu'il y ait cela ou alors… […] ou alors c'est le naufrage ». Ici la chair est triste, la violence partout présente et l'alcool abrutit les esprits. Les corps trempés de sueur s'affrontent pour un regard ou par simple jeu, chacun semble au bord de l'abîme, toujours plus proche d'un chaos prêt à tout emporter sur son passage.

Brutal et hypnotique.

Lien : http://litterature-a-blog.bl..
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Ici, dans ces contrées, le soleil n'est sans doute pas un cadeau.
Il n'est pas synonyme de lumière, de rayonnement ou d'espérance comme à nos latitudes.
Au contraire, dans ces zones subsahariennes, il brûle, il pulvérise, il efface, il supprime pour finalement donner des paysages de poussière.
Les habitants, eux, ils se terrent toute la journée durant par peur de fondre sous cet implacable disque d'or. C'est l'apathie générale, y compris chez ces soldats qui surveillent cette entrée stratégique sur la Mer Rouge.
Il y a de quoi devenir fou face à ce climat désespérant. Mais que faire si ce n'est vivre la nuit.
Eh bien, parlons en de la nuit. le peu de fraîcheur échauffe les esprits. Les soldats, perdus dans ce désert, recherchent la promiscuité, l'alcool et la violence. Ils ont besoin de se libérer d'un renfermement intérieur.
Ils sont courtisés par des filles qui idéalisent l'occidental, et qui tombent vite dans la désillusion.
Ce sont, donc, des ambiances malsaines qui se jouent dans la sueur, le sperme, le sang...une sorte de déchéance où seul le soldat en sortira gagnant en retrouvant ses confortables contrées.
Voilà, donc, l'atmosphère de cette histoire. Elle est courte, elle est crue. Elle semble tellement vraie. Elle m'a plu.
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Pierre Deram, Djibouti (2015)

Pierre Deram avait un peu agacé Olivier Poivre d'Arvor -c'était le marathon des mots à Toulouse, le dimanche 26 juin 2016. L'équipe de France de football jouait un match contre l'Irlande- en s'étonnant que les militaires portent des shorts à Djibouti. Pierre Deram est jeune, et l'on comprend ses étonnements, et on les lui pardonne quand on a lu son roman, d'une étonnante maturité. Pierre Deram a fait avec succès Polytechnique, et il lui plaisait de faire Saint-Cyr, et de le faire à Djibouti.
Rien que le nom faisait envie au très aimable Djiboutien Abdourahman Waderi qui aurait aimé écrire un livre qui portât ce titre. Abdourahman Waderi ne peut commencer à parler sans d'abord avoir salué son public, au contraire d'Olivier Poivre d'Arvor, pressé qui va droit au fait, sans ensuite les avoir remerciés. Question d'éducation. Il rappelle et se rappelle la forte présence militaire française quand il était enfant à Djibouti.
Qu'est-ce que Djibouti, le personnage principal du roman de Pierre Deram? C'est une ville qui fascine à la fois le lieutenant Markus, le second protagoniste, et l'auteur. Peut-être par sa géographie, son climat, son ambiance. Un empire de terre rouge qui semble inhabité, la terrible terre des Afars et des Issas, l'implacable désert de Djibouti, l'océan Indien, la mer Rouge, le golfe d'Aden. Ce sont Monfreid, Lawrence, Nizan, Rimbaud, qui défilent. Et aussi les couleurs, la chaleur, le feu, le silence, la mort. La ville même ne vit que la nuit, quand le soleil s'éteint, quand le khat se mâche, quand les soldats s'enivrent, que les bordels se remplissent. Car il faut bien un dérivatif au vide et à l'ennui. Et pourtant, c'est un "pays sublime". Jadis, peut-être, le pays de Dieu, mais les hommes détruisent inéluctablement.
Markus, après six mois de service, passe sa dernière nuit à Djibouti. Il va boire avec ses amis à la fin des temps, à la fin de son temps. Il rencontre Thérèse, femme de colonel, dont le chien, aimé comme un fils, a été mortellement mordu par un serpent, et qu'il aidera à l'enterrer dans un endroit d'où les eaux ne le délogeront pas; il voit se battre tête contre tête deux soldats qui jouent, yeux bandés, mains liées derrière le dos, à se donner des coups jusqu'à rendre l'un K.O.; il se rappelle un grand type qui lui avait parlé des petites Tchadiennes affamées qui venaient délivrer d'amour contre des biscuits de jeunes soldats en proie à la solitude et à la détresse, "fratrie innocente qui porte la violence et la beauté" de ceux qui, moins que rien, sont très éloignés du pouvoir.
Djibouti est donc un "océan de néant", où des hommes errent "tous yeux bandés, perdus au fond d'une nuit d'ivresse", où l'on fait l'expérience du "doux et douloureux chaos", de l'insignifiance et de la solitude de l'être emporté dans le roulement de l'univers indifférent. Mais c'est aussi le lieu de traces ineffaçables, d'amours belles et tristes, le temps d'une "jeunesse folle dépensée en pure perte dans les rues sombres de Djibouti".
En pure perte? Eprouver son rien dans la grandeur du tout, dans un pays inquiétant et somptueux, et consigner cette tranche de vie, brûlée de soleil et d'alcool, dans un livre dense à l'écriture épique et tragique, quand on a plus de souvenirs que si on avait mille ans, et tirer du voyage un savoir effrayant par son contenu et qui semble conforter l'intuition qu'on en avait, c'est vraiment quelque chose. Et en plus ce savoir-là, effroyable et saisissant, servira.
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Djibouti : coincée entre la mer Rouge et le désert, la ville est accablée de chaleur et de soleil le jour, livrée aux légionnaires et aux prostituées la nuit. Entre alcool, sexe et violence, ces "enfants de Dieu" rêvent de consolation et de tendresse.
Une écriture flamboyante, parfois excessive , mais un premier roman tout à fait prometteur.
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