Quand on a des parents comme les miens, ça devrait être du gâteau. Je les connais depuis que je suis né. Je suis absolument sûr qu'ils m'adorent. Ils sont intelligents et compréhensifs. (…) Pourtant, il y a un truc gênant que je n'arrive pas à définir; pour parler de choses personnelles, on se sent tout à coup complètement engoncé, comme si on avait pas le droit d'avoir certaines idées dans la tête, comme si les deux mondes devaient rester hermétiquement fermés l'un à l'autre. Comme si on devait éternellement rester des enfants pour nos parents.
M. Grifon est hypersensible. Il a beaucoup de mal à fini son cours sans devenir tout rouge et se révolter contre l’indifférence des nations riches, ou la méconnaissance de la merveilleuse civilisation arabe. Un rien le détruit, tout le fait douter, il a d’ailleurs un tic qui me faisait très peur au début de l’année et qui me plaît plutôt maintenant. Toutes les six secondes environ, il tourne brutalement les yeux sur le côté, comme s’il avait entendu un bruit. Ça lui donne l’air affolé en permanence. Je pense que, dans une autre vie, il a dû être chevreuil ou renard ; sa dernière mort a eu lieu lors d’une chasse à courre. Il se sent menacé et c’est vraiment terrible pour lui d’être prof d’histoire-géo ; si seulement il enseignait un truc tranquille, comme le latin ou les travaux manuels, il ne souffrirait pas tant. Dans sa spécialité, il y aune injustice toutes les deux pages, un massacre toutes les dix et le trio famine-peste-exode le reste du temps.
Le cinéma est peut-être le seul domaine dans lequel je n'ai de leçons à recevoir de personne, pas même d'Edson.