J'attends, en vérité, la confirmation de mes intuitions : il est impossible que nous sachions tout ; du coup, l'essentiel nous manque et c'est pour ça qu'il est si difficile de se lever le matin. A quoi bon puisque tout est faux, incomplet, illusoire (...). Tout ce chaos autour de moi, ce désordre, cette absurdité, et je devrais faire semblant de croire à ce qu'on me raconte...
Simone était assez grosse ; quoique ce terme ne rende pas justice à sa physionomie générale. Sur des pattes sèches et musculeuses, elle portait un tronc lourd. Ses seins opulents reposaient sur son abdomen admirablement rond. Elle avait la taille courte et la tête rentrée dans les épaules. Mais son visage, ainsi que ses bras, étaient joliment dessinés. Ses cheveux étaient sa véritable fierté. Soigneusement péroxydés, ils s'étageaient en boucles jusqu'à ses épaules. Lorsqu'elle souriait, on avait peine à croire qu'il lui manquait une dent sur deux.
L'accès à la propriété n'a pas que des avantages. Les emprunts, les charges, l'électricité vétuste, la plomberie approximative, la peinture à refaire, les plafonds et les murs mal isolés phoniquement. L'insouciance reste à la porte. En m'installant, je me suis demandée si elle reviendrait jamais. Il m'a fallu attendre la réunion de la copropriété pour mesurer l'ampleur de la malédiction. Ces réunions ne sont pas obligatoires, et il paraît exagéré de comparer un supplice facultatif comme celui-ci à l'inévitable souci des traites à payer et de l'emménagement. Dans mon cas, cependant, cette logique ne s'applique pas.